

Selon les derniers chiffres de l’emploi salarié publiés par
l’Isee, la baisse des effectifs se poursuit dans le BTP. Où
en est le secteur ?
Frédéric Cantin :
Le chiffre d’affaires « normal » du BTP est de
110 milliards de francs CFP. Dans les belles années, en 2008-
2010, on est monté jusqu’à 130 milliards. Actuellement, on est
à moins de 60 milliards. Et en 2017, ce sera pire. Avec le nickel
au plus bas, la puissance publique, qui représente 40 % de notre
chiffre d’affaires, n’est plus capable de nous apporter le soutien
dont on a besoin. Toutes les entreprises sont au noyau dur, c’est-
à-dire qu’on a licencié en gardant les gens d’expérience, très
bien formés. On est à 1 000 employés en moins depuis 2-3 ans.
Vous évoquez les grands chantiers qui ont fait les belles
années du BTP. Aujourd’hui, les besoins sont moindres
aussi, non ?
Mais le problème, c’est que les gouvernements successifs ne
pensent qu’à leurs élections et pas à l’investissement à long
terme. Actuellement, tout le monde lance des réunions pour
essayer de réveiller le secteur mais, pour moi, ce sont des
discussions sans valeur. On est face à un mur. Le gouvernement
nous dit qu’on va essayer de relancer le BTP par des mesures
concrètes, immédiates…
Le fameux plan Pulse
(1)
?
C’est de l’assistanat, ça ne sert à rien. Nous, on connaît les
remèdes, mais ça enfonce des clous dont la puissance publique
ne veut pas. Il y a trop de fonctionnaires ! Le délai d'obtention
des permis de construire, qui devrait prendre un ou deux mois,
prend cinq, six, sept mois. On est stoppé dans tout. Et Pulse n’y
changera rien. Nous, on connaît les vrais freins !
Quels sont donc ces freins ?
C’est tout ce système administratif de folie. Et surtout, ce
qui nous freine, c’est un mur politique. La province Sud et le
gouvernement sont Calédonie ensemble, et toutes les communes
du Grand Nouméa sont Républicains, et ils ne se parlent plus !
La province qui doit faire les infrastructures, les routes, ne les
fait pas, les communes ne donnent plus de permis…
Si on veut relancer le BTP, le logement, il faut du volume, et
pour avoir du volume il faut du foncier disponible. Eh bien non,
parce que les maires disent non, la province dit non. Et puis il y a
les spécificités : au Mont-Dore, il y a des terrains extraordinaires
pour construire du logement social mais là, ce sont les salariés
qui ne veulent pas y aller parce que c’est après Saint-Louis…
À Dumbéa, on a une ZAC avec des terrains vendus 2,8 millions
l’are, c’est inimaginable ! Et dans la commune où il y a le plus de
foncier disponible, Païta, ce n’est pas loti, il n’y a pas d’accès…
Le gouvernement présente pourtant la construction de
logements comme une « locomotive de développement ».
Mais il a raison. Seulement, il ne peut rien y faire. Les maires
sont autonomes, et il n’y a pas d’entente.
L’annonce de la dispense d’agrément du ministère des
Finances pour la défiscalisation du logement social, c’est
une bonne nouvelle…
La défisc, c’est bien beau, comme les belles paroles des
politiques. Le problème, c’est que le vrai gouvernement en
France, c’est Bercy. L’année dernière, avec le Fonds social et la
Sic, on a déposé quinze dossiers qui sont tous bloqués. Alors, on
a décidé en AG qu’on allait commencer les chantiers sans avoir
l’agrément. Au Fonds social, on va prendre un risque – calculé –
de trois milliards pour démarrer les chantiers, sans savoir si on
aura les 33 % de la défiscalisation…
Dans les années normales, la Sic et le Fonds social, on faisait
1 100 logements sociaux par an. En 2016, on est à 280, et en
2017 en dessous de 200. C’est un problème pour le BTP et un
problème social.
«
Il faut
débloquer
le foncier !
»
Frédéric Cantin, président de la Fédération des
entreprises du bâtiment et des travaux publics
de Nouvelle-Calédonie (BTP-NC), fait le point
sur la situation de ce secteur touché par un fort
ralentissement de l’activité. Et il ne mâche pas
ses mots.
BTP
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Frédéric Cantin est président de BTP-NC, qui compte
une centaine d’adhérents et se veut le porte-parole
de la profession (Medef). Il préside aussi le Fonds
social de l’habitat (FSH) et l’Association de formation
du BTP (AFBTP).
© Aude-Emilie Dorion