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in 2014, le cours du
nickel s’affichait à 7,10
dollars la livre. Un an plus
tard, c’est une tout autre
courbe qui se dessine sur
les écrans du LME. L’or vert s’achetait fin
2015, à 4,30 dollars la livre en moyenne
«
affichant sa valeur la plus basse de-
puis 2002
», notait l’Isee dans son point
de conjoncture du quatrième trimestre
2015. Une dégringolade qui s’est pour-
suivie en ce début
d’année avec un
prix du nickel à
3,80 dollars la
livre en moyenne
au premier tri-
mestre. Un pan
entier de l’écono-
mie calédonienne
est donc entré
dans une zone
de turbulences,
dont les origines
se trouvent aux
quatre coins du
monde. En Chine
tout d’abord, où la croissance a ralenti
ces dernières années, et avec elle, les be-
soins de nickel : «
En pleine croissance,
laChine augmentait sa consommation
en inox de 20 % tous les ans. L’année
dernière, la consommation en inox
n’a augmenté que de 0,6%
», note Jean-
Sébastien Baille, directeur adjoint de la
Dimenc (Direction de l’industrie, des
mines et de l’énergie de la Nouvelle-
Calédonie). «
Or, c’est la Chine qui fait
le marché : elle produit 33 % du nickel
et consomme 52 % de la production
mondiale, soit un million de tonnes
de nickel contenu par an
», ajoute-t-il.
T
ROP DE
STOCKS
Non seulement la croissance
chinoise ralentit, mais les besoins qui
demeurent sont couverts en grande par-
tie par le minerai
déjà en stock.
Malgré l’interdic-
tion d’exporter
du minerai brut
prononcée
par
l’Indonésie début
2014, le marché
n’est pas défici-
taire. La Chine
a eu le temps de
faire des stocks
avant l’entrée en
vigueur de cette
interdiction et les
exportations des
Philippines ont compensé, en partie,
l’arrêt des exportations indonésiennes.
«
On estime à 600 000 tonnes de nic-
kel contenu dans les stocks existants.
Les prix sont le reflet de ce déséqui-
libre
», analyse Jean-Sébastien Baille.
Pourtant, les opérateurs, eux, ont conti-
nué à produire, comme l’explique Phi-
lippe Chalmin, professeur à l’Université
LE NICKEL EN ZONE
de turbulences
Le cours du nickel a chuté de 38 % entre mai 2015 et
février 2016. Le marché est déprimé. Les professionnels ne
prévoient pas d’amélioration avant plusieurs semestres.
En cause ? Une croissance chinoise qui ralentit et des
stocks mondiaux trop importants. Les opérateurs du pays
s’organisent pour affronter la tempête.
DOS
SIER
DOS
SIER
Ce n’est pas la première crise
que le secteur du nickel traverse et
sûrement pas la dernière. «
C’est la
nature du marché d’être instable
et de suivre des cycles qui sont
grossièrement ceux de l’investisse-
ment
», explique Philippe Chalmin,
président de Cyclope, institut de re-
cherche sur les matières premières.
«
Dans les années 1970, il y a eu
une flambée des cours, cela a en-
couragé les gens à développer des
projets. Beaucoup de nickel est ar-
rivé sur le marché dans les années
90, le marché s’est alors effondré
et plus personne n’a investi. Au
début des années 2000, la crois-
sance chinoise a créé une de-
mande, tout le monde s’est remis
à investir. Dix ans plus tard, les
nouveaux projets sont entrés en
production et les cours s’effondrent
de nouveau
», retrace-t-il.
À ces cycles de croissance,
d’investissement, puis de surpro-
duction se superposent ceux de la
finance pure, comme l’illustre Jean-
SébastienBaille, de laDimenc : «
Au
début des années 2000, la Chine
est entrée dans le jeu avec une
progression constante au LME.
Puis en 2007, il y a eu la crise
financière liée aux subprimes
*
. La
dégringolade a été rapide, mais la
remontée aussi, tirée par les inves-
tissements chinois. Depuis 2014,
la chute est régulière.
»
*
Les subprimes sont des prêts immobi-
liers accordés à partir des années 2000
à des ménages américains qui ne rem-
plissent pas les conditions pour souscrire
un emprunt immobilier classique
L’histoire est un éternel
recommencement…
“
On estime à
600 000 tonnes de
nickel contenu dans
les stocks existants.
Les prix sont le reflet
de ce déséquilibre
”
Jean-Sébastien Baille,
directeur adjoint de la Dimenc.
Texte |
Blandine Guillet