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«Une culture de lavoiture

mais pas de la conduite »

C’est là que démarre généralement (et légalement) notre vie de conducteur. Code,

heures de conduite et conseils sont prodigués par des instructeurs conscients des

problèmes routiers en Calédonie.Tanguy Barsacq, gérant de Chrono 64, fait un état

des lieux. Entre tristes exemples et idées pour faire bouger les choses, transpire

un amer constat…

AMB :

Que pensez-vous de la conduite

des Calédoniens ?

« Casse pas la tête… » ! Ça se résume à ça.

Déjà, en Métropole, plus on va vers le Sud,

moins il y a de rigueur… Ici c’est pire. C’est

généralisé. Il y a une culture de la voiture,

mais pas de la conduite. Nous, instructeurs,

sommes tous les jours sur la route et on en

voit… Par exemple, des gens s’arrêtent car-

rément sur la route, devant l’auto-école, et

descendent pour demander des rensei-

gnements. Ils ne se garent pas, non, non, ils

mettent juste les warnings et bloquent la

rue. Ça montre un total irrespect des autres.

Deuxième exemple, un de mes profs s’est

fait agresser physiquement. Le ton est monté

très vite et ils en sont venus aux mains. C’est

assez isolé mais ça marque. Il y a donc un

je-m’en-foutisme sans borne et des faits plus

hard. Les gens ont oublié que la route est

à tout le monde et rien ne freine ces com-

portements. Après, au niveau infrastructure

aussi…Quand on voit le double sens après

Tontouta limité à 110…Déjà en France, c’est

90. Sur la route, je vois des pick-up, cul à

cul, doubler ensemble, sans visibilité, c’est

édifiant. Enfin, je peux ajouter que du mois

d’août dernier à mars, on s’est fait rentrer

six fois dedans… Les exemples sont infinis

et on pourrait en parler pendant des heures.

Quel est le profil des jeunes

qui débutent leur formation ?

On a de tout. Il y a les méthodiques, très inté-

ressés. D’autres, sont plus pressés, ils savent

déjà « conduire » et veulent juste le papier

rapidement. C’est bien d’avoir quelqu’un

qui sait déjà un peu. Mais entre conduire

sur la propriété et évoluer en ville, cela n’a

évidemment rien à voir. C’est ce qu’on leur

explique. À Nouméa, le trafic est dense, il

faut apprendre à circuler avec respect et à

évoluer avec les autres. Du côté des élèves,

le minimum, c’est 20 heures de conduite. En

France, la moyenne, c’est 35 heures car, là-

bas, il y a de gros délais d’attente pour pas-

ser l’examen, donc il faut toujours conduire

un peu en attendant de le passer. Ici, c’est

bien, c’est plus rapide, il faut le noter.

Une personne doit repasser son per-

mis à la suite d’un retrait ; comment

ça se passe ?

On n’est pas là pour la sermonner. Il n’y a

pas de minimum obligatoire. On fait une ou

deux heures d’évaluation et elle repasse

le code et l’examen de conduite. On a

d’ailleurs beaucoup de Métropolitains, en

vacances ici, qui en profitent pour le repas-

ser. Car là-bas, ce sont 20 heures obliga-

toires ! Ici, non, et c’est donc moins cher et

plus rapide.

Et la prévention ?

C’est bien la prévention, pour les jeunes,

évidemment… Mais pour les abrutis non.

Il faut sévir. La prévention, ici, tout le monde

s’en moque. Le jour où une voiture sera sai-

sie et finira en cube dans le jardin, ça mar-

quera peut-être plus…Ça en fera réfléchir

certains. Une fois, un de nos élèves a eu son

permis le matin, et se l’est fait retirer le soir

même pour alcoolémie positive… Donc

la prévention… C’est dur de changer les

mentalités. C’est un comportement ancré.

En France, le jeune conducteur a un permis

à 6 points, ça calme un peu déjà.

Quelles mesures pour calmer le jeu

alors ?

Un plus gros bâton ! Quand les gens sont

multirécidivistes et qu’on les retrouve à

nouveau sur les routes… on s’interroge.

Ici par exemple, des gens prêtent en toute

conscience leur voiture à quelqu’un qui n’a

pas le permis, donc pas d’assurance. Celui

qui prête devrait être également respon-

sable en cas d’accident.

Donc globalement ?

Eh bien, ici, on constate une grosse part d’in-

dividualisme, personne ne se met à la place

des autres. Quand on est dans son véhicule,

on se considère chez soi. Il faut aussi arrê-

ter le terme « prendre la route ». La route

se partage. Ça résume tout.

TanguyBarsacq,

gérant de l’auto-école Chrono 64.

C’est la moyenne d’âge

des personnes responsables,

en 2015, de 49 % des accidents

sur la route et 43 % des morts.

Source : gendarmerie

18-25 ans

« Ça montre

un total irrespect

des autres »

SÉCUR I TÉ ROUT I ÈRE

D O S S I E R

Propos recueillis par JR Pantaleon

© Tanguy Barsacq