LA
question
LA
question
-
60
-
tissement collectif
dans l’entreprise.
En Océanie, la rela-
tion humaine prime.
Elle se construit,
se cultive, elle peut
aussi s’interrompre.
C’est toute la diffi-
culté dans ces rela-
tions d’échange, il
faut les nourrir sans
arrêt. On ne peut
pas dire : «
Ça y
est, on a construit
les bases d’un bon
dialogue social et
maintenant on va s’occuper d’autre
chose.
» Les Océaniens ont besoin qu’on
s’occupe d’eux. Réciproquement, ils
sont prêts à bien s’occuper de leurs col-
lègues et de leur patron.
C
ELA
IMPLIQUE
UN
MANAGEMENT
DIFFÉ
-
RENT
…
En effet. En Métropole, on tient à sépa-
rer l’univers personnel de l’univers pro-
fessionnel. Vu l’importance des relations
humaines dans le contexte océanien,
il n’y a pas lieu de faire cette sépara-
tion. La relation suppose d’être prêt à
investir du temps et des moyens pour
échanger, soutenir, manifester un inté-
rêt élargi aux personnes. Si l’entreprise
ne sait pas se transformer en commu-
nauté de travail, elle devient un lieu au
sein duquel les locaux (Calédoniens)
sont étrangers. Il y a des patrons, qu’ils
soient Calédoniens ou acculturés à la
Calédonie par une longue présence, qui
pratiquent tout à fait ce type de mana-
gement. Ils en obtiennent les bénéfices,
sans tomber dans ce que l’on appelle
abusivement le paternalisme. Faute de
mieux, on utilise ce mot-là, mais comme
le contexte est différent, le contenu du
mot est différent aussi. En France, re-
connaître la valeur d’un employé, c’est
lui laisser une marge d’autonomie. En
Calédonie, les gens connaissent un vrai
dépaysement dans l’entreprise à l’occi-
dentale. Ils ne sont pas sûrs de bien faire
car les rôles ne sont pas familiers. Ils ac-
ceptent donc d’être épaulés, soutenus,
remerciés. Cette conception de l’auto-
nomie : «
Faites
votre boulot et je
regarde le résul-
tat
», ne convient
pas au contexte
local.
L
E
RÉÉQUILIBRAGE
ENTRE
LES COMMU
-
NAUTÉS AU
SEIN DE
L
’
ENTREPRISE
EST
-
IL
UNE
CONDITION
NÉCESSAIRE
À
UN
DIALOGUE
SOCIAL
APAISÉ
?
Oui, même si cela
peut parfois aller à l’encontre de cer-
tains de nos principes. Dans une entre-
prise employant des Wallisiens et des
Kanak, si je promeus une personne issue
d’une communauté, il faut que je donne
autant que possible
une équivalence à
l’autre communau-
té. C’est la même
chose avec une en-
treprise employant
des Kanak de deux
clans
différents.
Cela contredit nos
idéaux
mérito-
cratiques, un peu
comme la discri-
mination positive.
Dans le cas du réé-
quilibrage,
pour
répondre à l’argu-
ment de l’incompé-
tence, il faut mettre
en place un accompagnement des futurs
cadres océaniens. C’est l’idée du don et
du contre-don chez les Kanak. Or, chez
nous, on dit que la personne doit faire
ses preuves, on valorise l’autonomie.
Mais il faut accepter l’idée de faire autre-
ment.
L
ES DEUX ENTREPRISES PRISES EN EXEMPLE
SONT EN RÉALITÉ DEUX EXCEPTIONS
…
En effet, notamment KNS où l’on
assiste à la construction du dialogue
social à partir d’une feuille blanche.
Au départ, les employés sont arrivés
de partout, les jeunes étaient dépay-
sés. Le contexte était favorable pour
qu’ils tissent des liens entre eux. La
direction a joué son rôle, mais aussi
les employés. Je suis très curieux
de savoir comment cette construc-
tion – dans laquelle l’entreprise a mis
énormément
de
moyens – a résisté
à la donne impré-
vue des problèmes
techniques et de
la situation éco-
nomique difficile.
C’est un vrai test.
Chez Carsud aus-
si la partie a été
jouée à plusieurs,
la direction le di-
rait volontiers, les
syndicats ont joué
un rôle important.
On ne peut pas
faire le dialogue
social tout seul.
Jean-Pierre Segal animera un
petit déjeuner débat sur le
thème de son livre «
Construire
et pérenniser le dialogue social
calédonien
», le 11 mars, de 8h à
10h, à l’Institut des relations so-
ciales. Inscriptions au 24 23 79.
Conférence
Le livre de Jean-Pierre Segal
Construire et pérenniser le dia-
logue social en Nouvelle-Calédonie
est téléchargeable gratuitement
sur le site de la DTE :
dtenc.gouv.
nc
(rubrique nos publications,
onglet e-publications).
En téléchargement
“
En Métropole,
on tient à séparer
l’univers personnel
de l’univers
professionnel.
Dans le contexte
océanien, il n’y a
pas lieu de faire
cette séparation
”
“
Prendre le
temps de parler,
d’échanger
comme le font les
Océaniens…
C’est le meilleur
garant d’une paix
sociale
”