Femmes | Mars 2018

17 psychogénéalogie « On a le moyen de se libérer de ses héritages familiaux» Nous nous sommes intéressés à la psychogénéalogie, cette méthode psychanalytique qui consiste à rechercher dans le vécu de nos ancêtres les sources de nos troubles psychologiques, comportements étranges, maladies actuelles. Jean Cardinale, bio-thérapeute Interview Qu’est-ce que la psychogénéalogie ? Jean Cardinale : La psychogénéalogie est un pont entre la psychologie et la généalogie. Elle nous permet de savoir d’où on vient, de connaître nos racines. Il y a un proverbe qui dit : pour savoir où on va il faut savoir d’où on vient. On a un héritage qui vient de nos ancêtres ; j’appelle ça des « couleurs émotionnelles ». Nos premiers ancêtres sont notre père et notre mère. Leur vécu, leurs traumatismes, leurs bonheurs, nous les avons en héritage. C’est ce qui fait qu’on a parfois des souffrances inexpliquées, qu’on vit des situations comme si on était là pour les réparer, pour les libérer. Je peux comprendre ça par rapport aux parents mais j’ai du mal à le concevoir par rapport aux arrière voire arrière-arrièregrands-parents et plus ? On appelle ça une « cascade biologique ». Ça peut sauter une ou deux générations. C’est génétique. Notre corps a une mémoire, notre cerveau émotionnel a une mémoire. Tout ceci a un sens logique. Le cerveau est un laser : il arrive un événement à telle date, telle heure, c’est inscrit. C’est ce qu’on appelle un syndrome anniversaire. Par exemple, je viens de travailler sur un cas : on découvre grâce à l’arbre généalogique de mon patient que l’arrière-grandpère, à 16 ans, perd son père et qu’il est donc obligé d’arrêter l’école pour s’occuper de ses petits frères et sœurs. C’est inscrit dans sa mémoire. Le deuil n’ayant pas été fait, l’histoire se répète sous une autre forme. J’ai pu expliquer à mon patient pourquoi son fils, qui n’a pas tout à fait 16 ans, veut soudainement arrêter l’école : pour ne pas que son père meure, il arrête l’école avant ! Et pourtant l’enfant ne connaît pas cette histoire, elle est encodée dans ses cellules. Et en plus ça correspondait à la date du décès de l’arrière-arrière-grand-père de ce garçon ! Après un travail en conscience et aprs avoir fait le deuil, il reprend l’école avec grand plaisir. C’est vraiment libérateur ! Souvent, les gens ne connaissent pas leur histoire au départ. Ils arrivent avec leur arbre généalogique et je fais le tri. On peut voir s’il y a eu de l’abandon, de la trahison, de la violence, des séparations douloureuses… Ce tissu familial, ce « puzzle », va nous donner un sens par rapport à notre propre vie et à celle de nos enfants. En faisant ce travail en profondeur, non seulement on se libère mais on libère ses enfants également. Ce travail sur soi permet de ne pas reproduire le schéma familial.

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