Femmes : Juillet 2017

15 DOSSIER Une Néo-Calédonienne sur quatre subit une forme de violence au cours de sa vie. Un autre chiffre, terrible : 12% d’entre elles sont victimes d’abus sexuels, attouchements ou viol, avant l’âge de 15 ans. 95% de ces victimes ne contactent pas la police. Ces chiffres 1 qui datent du début des années 2000 doivent être mis à jour, grâce à l’extension à la Nouvelle-Calédonie de la fameuse enquête scientifique VIRAGE menée en Métropole sur les violences et rapports de genre. Même si la classe politique a maintenant conscience de l’ampleur du phénomène des violences faites aux femmes, Nicole Robineau, présidente de la commission des droits de la femme et de la famille au Congrès et à la province Sud, déplore une stagnation inquiétante ces dix dernières années : « D’où que ça vienne, il faudrait que des idées originales émergent ! Quel que soit le parti politique, on s’en fiche, la cause des femmes doit dépasser les querelles de clocher. Même les associations de femmes doivent se renouveler. Il faut agir. » Révolution CAUVA Ainsi, une mesure phare du plan triennal de la province Sud doit révolutionner la prise en charge des victimes de violences d’ici à la fin de l’année : le CAUVA (Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions) au cœur du Médipôle, inspiré d’une cellule spécialisée de l’hôpital de Bordeaux, unique en France. Il permet une prise en charge rapide des victimes d’agressions, sur tous les plans en même temps - médical, social, psychologique - au même endroit, avec tous les spécialistes réunis : médecins légistes, psychologues, assistantes sociales, infirmiers, associations d’aide aux victimes. La procédure judiciaire s’en trouve facilitée, avec la possibilité de prendre les dépôts de plainte directement sur place. Bureaux d’aide aux victimes Déjà, dans les murs du commissariat central et du tribunal de Nouméa, des « Bureaux d’aide aux victimes » (BAV) permettent en partie de remédier au manque de coordination des différentes structures, souvent pointé du doigt. La capitaine Sylvia Chabale et l’assistante sociale Laurence Grangeon se partagent l’accueil des victimes 2 au BAV du commissariat central. « Dans le cas des violences conjugales, on est souvent face à des femmes qui veulent dénoncer mais pas porter plainte, par peur de représailles ou de précarisation. C’est un long parcours, explique Laurence Grangeon. Mais on les accompagne, avec tout un réseau, en particulier le Relais de la province Sud, une structure vraiment incontournable, le foyer Béthanie, le personnel médico-social et l’Adavi. » L’Adavi est une association pour l’accès au droit et l’aide aux victimes 3. Elle offre, au sein du tribunal, des permanences juridiques et psychologiques. Catia Dantu, juriste à l’association, insiste : « On est devenu proactif. Maintenant, on contacte toutes les victimes qui ont une audience fixée en correctionnelle pour violences. C’est une grande avancée. » Cependant, la responsable de la structure, Janie Malia-Buso, regrette une baisse de moyens alors que la demande d’accompagnement judiciaire ne cesse d’augmenter : « Nous avons reçu 806 personnes 4 en 2009 et 1 944 en 2016... Il y a dix ans, jusqu’à cinq juristes travaillaient à l’Adavi, alors que maintenant, ils ne sont plus que deux. » Auteurs Il faut aussi répondre aux aspects pratiques : en attendant l’audience, l’éviction du conjoint n’est pas souvent ordonnée par les magistrats, et c’est la victime qui se retrouve évincée de son domicile. Le foyer Béthanie, normalement spécialisé dans l’hébergement d’urgence, serait toujours plein à craquer. En attendant des solutions à plus long terme, misant notamment sur l’insertion par l’activité, Nicole Robineau annonce l’ouverture prochaine d’un foyer spécialisé pour les agresseurs, alternative à la prison. Une prise en charge des auteurs donnerait d’ailleurs des résultats en matière de récidive, selon Laurence Grangeon : « Bien sûr, on n’est pas dupe, certains auteurs ne le font que pour alléger leur peine... Mais d’autres sont dans une démarche positive et personnelle. » Violences sexuelles Cet esprit de justice restaurative ne plaît pas à tout le monde, en particulier à l’association SOS Violences sexuelles, où Camille et sa fille Esméralda 5 reçoivent chaque année plus de 150 nouvelles victimes dont une grande majorité de femmes. « Nous, on se bat pour que les victimes obtiennent réparation, c’est tout. Et on ne lâchera pas. » Très remontées contre la réponse judiciaire, elles déclarent que l’association ne se pliera jamais à ce vent de « justice restaurative » (loi Taubira 2014) qui consiste à confronter auteurs et victimes dans une sorte de médiation, pour favoriser la réinsertion des détenus dans la société. De même, la correctionnalisation du viol commence à leur poser un « problème de conscience » : par souci de gestion, le juge d’instruction propose une requalification du viol (crime) en agression sexuelle (délit). De nombreux dossiers se retrouvent devant le tribunal correctionnel, et seuls les cas les plus lourds vont aux assises. Bientôt le dispositif TGD Le « Téléphone Grave Danger » (TGD) se généralise en Métropole pour protéger des femmes gravement menacées par leur (ex)partenaire. Délivré par le procureur pour une durée déterminée, le TGD permet aux forces de l’ordre d’intervenir rapidement grâce à la géolocalisation de la victime qui n’a qu’à appuyer sur un bouton. Sur le Caillou, l’expérimentation portera sur le Grand Nouméa. Nicole Robineau, présidente de la commission des droits de la femme et de la famille au Congrès © Élodie Lanfroy

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