Femmes : Novembre 2015

14 DOSSIER ALIMENTATION : LA VAGUE La période estivale rime souvent avec dîners entre amis. Mais entre celui qui a banni le gluten, celle qui ne mange pas de sucre ou cet autre qui se dit intolérant au lactose, élaborer un repas commun peut devenir un véritable casse-tête ! Il faut dire que depuis quelques années, les régimes d’exclusion sont à la mode. Pour certains, il s’agit simplement de se sentir mieux. Pour d’autres, d’écarter des aliments qui intoxiqueraient l’organisme. Le lait de vache, par exemple, est accusé de favoriser l’apparition de cancers et de maladies auto-immunes. Quant au gluten, il serait l’ennemi numéro un d’une bonne digestion. Certes, l’alimentation a toujours été l’objet de croyances diverses et variées. Mais comment expliquer l’engouement actuel pour ces nouveaux interdits alimentaires ? « Nos sociétés développées vivent un processus d’individualisation croissant vis-à-vis des règles portées par la famille, la profession, la religion… Mais avec l’autonomie, il faut faire des choix. Vous devenez responsable de votre santé et de votre bien-être », explique Claude Fischler, sociologue, auteur de Goûter de tout. Alimentations particulières et convivialité, aux Éditions Odile Jacob. Des choix souvent difficiles tant les conseils, prescriptions et autres avertissements sur l’alimentation sont légion. Sans compter les discours qui varient au cours du temps, au gré des connaissances scientifiques et des lubies de stars. Dans les années 50, par exemple, les margarines végétales, réputées meilleures pour le cœur, détrônaient le beurre. Puis, dans les années 90, on découvre qu’elles sont une source d’acides gras trans, à bannir car redoutables pour les artères. Elles sont depuis redevenues fréquentables, leur processus de fabrication ayant été modifié. LE CLUB DES « SANS » Ces revirements entretiennent les doutes vis-à-vis de produits alimentaires qui, comme le rappelle Claude Fischler, sont transformés hors de notre vue dans ce qu’il appelle « la boîte noire » de l’industrie. Ils nous sont devenus étrangers. « Dans cet environnement, il s’agit de se réapproprier son alimentation en y mettant de l’ordre. Et cela commence par enlever des aliments », explique le sociologue. Il s’interroge ainsi sur la prolifération de ces « régimes » très souvent auto-diagnostiqués et parfois vécus avec la même intensité que le serait un engagement politique ou spirituel. Dans le même sens, le Dr Gérard Apfeldorfer *, psychiatre et spécialiste des comportements alimentaires, remarque que « les gens ont maintenant des idées bien arrêtées sur le modèle alimentaire sain. Cela n’a souvent rien à voir avec la réalité, sur la composition des aliments et leurs effets sur la santé, mais cela permet d’afficher une sensibilité, une philosophie de vie, une personnalité et surtout d’appartenir à un groupe : celui des “veggies”, des allergiques au lactose ou autre… ». SANS GLUTEN, SANS LACTOSE, SANS VIANDE, SANS SEL... DE PLUS EN PLUS DE PERSONNES CHOISISSENT D’ÉCARTER UN GROUPE D’ALIMENTS DE LEUR CONSOMMATION. ALORS, EFFET DE MODE OU VÉRITABLE BÉNÉFICE SANTÉ ? ENQUÊTE.

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