Femmes : Juin 2015

sont placées sous vidéosurveillance. Mais il suffit parfois d’avoir parlé à un cousin, une cousine, ou une tante, et les nouvelles circulent vite. « On a souvent des maris mécontents qui viennent », explique Laure Cannone. « Ils font peur à leurs femmes, car elles ont été sous leur emprise pendant longtemps. Mais nous, en tant que personnes tierces, on n’a pas les mêmes craintes vis-à-vis d’eux. » EN PROVINCE NORD AUSSI Longtemps limité à la province Sud, l’accueil d’urgence se développe aussi en province Nord. En plus de la Maison de la femme à Poindimié, où huit places sont disponibles, un nouveau centre pour femmes en difficulté a ouvert ses portes l’année dernière, le Centre Laura Poithili, à Témala. Celui-ci peut accueillir cinq femmes, avec ou sans enfants, pour une période de deux semaines maximum, et elles peuvent revenir en cas de nouvelle crise. Pour les victimes de violences, après la phase d’urgence visant à les mettre en sécurité, vient la phase de réinsertion. « Toutes les femmes qui arrivent à Béthanie ont des parcours de vie difficiles », explique Laure Cannone, la directrice, qui insiste sur la nécessité d’une réelle volonté de la part des pensionnaires. « Nous ne sommes pas une structure hôtelière, nous sommes là pour accompagner la personne dans un projet d’insertion », souligne-t-elle. « Dans la plupart des cas, le souhait premier des femmes est d’obtenir un travail pour avoir un logement et vivre avec leurs enfants. En pratique, c’est plus compliqué, car on doit s’adapter aux capacités et possibilités de chacune. » Les exemples de réinsertion positifs ne manquent pas. Comme cette jeune femme, restée trois ans à la résidence Béthanie, et qui a intégré le programme « 400 cadres ». Elle vit actuellement en Métropole avec son petit garçon, où elle suit une formation d’archiviste. Si toutes les femmes ne réussissent pas à trouver un logement ou un emploi à l’issue de leur séjour, un passage en résidence représente une vraie pause, peu importe le niveau de réinsertion final. « C’est au moins une parenthèse équilibrante et équilibrée, car il y en a qui n’ont jamais connu une période d’équilibre dans leur vie », explique Laure Cannone. Parfois, le déclic prend du temps. « On a des personnes qui sont venues trois fois, et c’est lors du troisième séjour que to t s’est mis en place : logement, formation, emploi. » DES CHIFFRES ACCABLANTS En Nouvelle-Calédonie, une femme sur quatre est victime de violences. Dans 80 % des cas, l’agresseur était un homme de l’entourage, et 30 % des femmes sont victimes de violences conjugales. Ces chiffres, alarmants, proviennent d’une étude conduite par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), et financée par le gouvernement calédonien. Si cette étude date déjà de 2003, les chiffres ne semblent pas avoir baissé au cours des dernières années, et pourraient même avoir augmenté. Une nouvelle étude est actuellement en cours au niveau national et devrait être étendue à la Calédonie. « La loi a évolué et je pense que le seuil de tolérance aussi », explique Nicole Robineau, présidente de la Commission de la condition féminine à la province Sud. « On peut avoir des chiffres plus élevés, mais cela peut aussi être parce que les gens parlent plus, et que les femmes acceptent moins le statut de victimes. » Si les mentalités commencent à évoluer, le cadre législatif s’est lui aussi adapté, et des avancées permettent une meilleure prise en charge. Ainsi, depuis 2008, plus besoin de passer par une main courante. À partir du moment où les faits sont révélés, une enquête pénale est obligatoirement ouverte. Si les faits sont avérés, le procureur de la République peut maintenir les poursuites contre l’auteur, même si la victime ne souhaite pas porter plainte. Les faits ne doivent par ailleurs plus forcément être révélés par la victime ellemême, mais peuvent l’être par son entourage. D’où l’importance des actions d’information et de prévention. LA PRIORITÉ DEMEURE LA PRÉVENTION Du côté des associations, même son de cloche partout : la priorité doit être donnée à la prévention. « La prévention permet de détecter les dysfonctionnements dans les relations dès le début », explique Izane Vallet, ancienne présidente et bénévole du Centre des femmes et de la violence conjugale. « Elle aide à connaître ses droits et développe la capacité à communiquer. » La prévention ne sert pas uniquement aux victimes, mais aussi à leur entourage, et au grand public en général. « Les victimes, mais aussi les DOSSIER UN SPECTACLE DE DANSE POUR PARLER DE LA VIOLENCE Au lycée agricole Do Neva, à Houaïlou, dix élèves de première bac pro Services aux personnes et aux territoires ont monté l’année dernière un spectacle de danse, pour parler de la violence à l’encontre des femmes. La pièce raconte l’histoire d’une jeune fille, qui se marie et a un enfant. Après la naissance de ce dernier, le mari est moins présent, rentre tard, et commence à boire. « La violence au sein de la cellule familiale est un sujet important en Nouvelle-Calédonie », expliquait Olivier Fandos, proviseur adjoint du lycée, sur la chaîne NCTV. « On a des jeunes filles aujourd’hui qui veulent s’émanciper, qui ne veulent plus accepter cette violence d la part des hommes. » La violence liée à l’alcool est mise en avant et les spectateurs sont aussi amenés à découvrir les structures existantes – publiques ou associatives – pour ne pas rester seuls en cas de violences subies. À Nouméa, l’association Béthanie vient en aide aux femmes en situation de rupture. 16

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