Femmes ! Mai 2015

77 « Depuis quelque temps, je pense sérieusement à me faire refaire les seins », lâche Audrey. La belle brune a pourtant de quoi faire pas mal d’envieuses. Sa copine Pauline, elle, a sauté le pas il y a quelques mois. « Parce qu’une fois le soutien-gorge enlevé, les seins qui tombent, je ne supportais plus », confie-t-elle. Attablées à la terrasse d’un café du centre-ville de Nouméa, les amies s’amusent à décortiquer leurs “ défauts ” physiques. Rides, peau flasque sous les aisselles, culotte de cheval, vergetures, fesses ramollies, peau d’orange, etc. Tout y passe et aucun détail n’échappe à leur jugement, qu’on n’hésite pas à trouver plutôt sévère. En les observant, on se demande en effet ce que peuvent vraiment se reprocher ces deux quadragénaires, plutôt bien faites. Mais comme dit si bien le dicton, il n’est souvent pire juge que soi-même. En 2013, un sondage IFOP sur les complexes des femmes, réalisé en Métropole, révélait que 69 % des femmes interrogées auraient bien changé quelque chose à leur physique. Et contrairement aux idées reçues, les complexes n’augmenteraient pas forcément avec l’âge. Toujours selon le même sondage, les moins de 25 ans seraient 81 % à exprimer le désir de modifier leur apparence. Sur le Caillou, aucun sondage de ce type n’a encore été réalisé. Mais quand on pense aux plages – et qui dit plage, dit maillot de bain – aux bars branchés de la Baie-des-Citrons ou à l’ambiance presque jet-set de certains coins de la capitale nouméenne, on se demande pourquoi les femmes seraient moins complexées ici qu’ailleurs. D’après les pages jaunes, on ne dénombre pas moins de 62 instituts de beauté à Nouméa, ce qui donne déjà une petite idée de l’importance accordée à l’apparence physique pour une bonne partie des Calédoniennes. LE DIKTAT DE L’ÉTERNELLE JEUNESSE SÉVIT MÊME SUR LE CAILLOU « En Nouvelle-Calédonie, pour illustrer la plupart des campagnes, on cherche plutôt la femme passe-partout, qui puisse représenter un maximum d’ethnies », tempère toutefois un publicitaire de la place. « Ce qui est important dans la publicité calédonienne, c’est d’avoir des gens représentatifs du pays ; les mensurations ne sont pas primordiales, c’est le côté “ United Colors of Benetton ” qui compte surtout. À part pour certaines publicités précises, on n’utilise pas forcément des femmes dites parfaites. » La publicité locale nous aiderait-elle donc à décomplexer, en mettant l’accent sur des femmes que l’on croise au quotidien ? Pas si sûr. L’encart dans lequel on pourra voir une femme d’âge bien mûr, ou avec plusieurs kilos en trop, poser pour une grande marque, se fait encore attendre. « C’est vrai que pour être vendeur, il faut que les femmes puissent se dire : “ si j’achète ça, je peux potentiellement ressembler à la femme que je vois sur cette photo ”, admet le publicitaire. Et là, on entre dans les critères actuels, définis par la mode internationale. » Car les canons de beauté dictés en Europe sévissent aussi en Calédonie. « Quand les femmes voient des icônes de la musique, du cinéma ou de la mode qu’elles ont connues jeunes et qui restent encore jeunes vingt ou trente ans plus tard, cela crée des frustrations. Les femmes se disent : “ Si elles restent jeunes, alors pourquoi pas nous ? ”. » Le diktat de la jeunesse éternelle sévit donc aussi à l’ombre des cocotiers. Comme presque partout, quand on est une femme, il vaut mieux être jeune, mince, belle, avoir un sourire ultra-bright, les cheveux brillants et une peau de bébé.

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