Construire | Septembre 2022

Et si nous pouvions sauver un arbre d’une coupe abusive ? Le pin colonnaire penché au-dessus de la maison a de quoi inquiéter, mais faut-il vraiment l’élaguer ? Le diagnostic arboricole permet de vérifier la solidité de l’arbre afin, peut-être, de le préserver. Lediagnostic arboricole Agenouillé au pied d’un pin colonnaire, casque sur les oreilles, Quentin Spriet écoute une musique toute particulière : le son de l’arbre. « Dans celui-ci, on n’entend rien. C’est bon signe », commente l’expert arboricole. Avec son insectophone, Quentin recherche une activité potentielle de termites. « S’il y a des termites, on entend distinctement des petits crépitements, comme un feu de bois. » Le professionnel enregistre tout de même les sons pour les passer au peigne fin sur son ordinateur. Quentin retire le clou planté au pied de l’arbre, et passe à un autre pin colonnaire. Il a été appelé pour réaliser un diagnostic des araucarias dans un parc public de la ville. « Le souci avec les termites, c’est qu’ils attaquent le cœur de l ’arbre. L’arbre continue de pousser, et on ne s’aperçoit de rien. Et tout à coup, sans même un coup de vent, il peut tomber. » D’où l’importance pour un lieu recevant du public de vérifier la bonne santé de ses arbres. D’autant plus dans un parc, où il est évidemment hors de question de couper de superbes pins colonnaires. « Ces arbres sont des symboles pour la Nouvelle-Calédonie. Tout le monde les coupe dans la plus grande indifférence. Quand on regarde de vieilles cartes postales de la Vallée-des-Colons, par exemple, on s’aperçoit qu’il y en avait des dizaines et des dizaines ! Et par peur d’un accident, on coupe parfois des arbres sains. » Si l’expert arboricole détecte la présence de termites dans le fût, il est souvent encore possible de sauver l’essence, sans avoir à recourir aux solutions définitives. « Mais on ne sait pas exactement à quel point l ’arbre est attaqué. C’est toujours une estimation », prévient tout de même Quentin Spriet. L’intervention de détermiteurs pourra suffire. « Il est donc souvent nécessaire de faire un suivi. » Apporter des preuves scientifiques Avant de planter délicatement un petit clou dans la base du tronc, Quentin commence son expertise par une analyse visuelle de la plante. Il la mesure, l’observe, estime sa prise au vent, l’examine sous toutes les coutures. C’est la dendrologie, ou la science de l’identification de l’arbre. Quentin détient un BTS en aménagement de l’espace, avec une spécialisation arboricole, ainsi qu’un certificat d’élagueur. Son père était expert arboricole pour une municipalité. Plus jeune, il a milité pour protéger les arbres. « Mais j’ai compris que cela ne servait à rien de faire du prosélytisme pour les arbres, de s’enchaîner… Ça ne crée que du conflit. Mieux vaut apporter des preuves scientifiques. » En arrivant sur le Caillou, lui qui était incollable en hêtres, chênes et autres essences tempérées est surpris et un peu déboussolé par toute cette nouvelle végétation qui s’offre à ses yeux. « Ici, il y a des spécialistes pointus, qui connaissent parfaitement les arbres. Je ne prétends pas être spécialiste. » Tout ce que désire Quentin, « c’est de préserver les arbres le plus possible ! » L’occasion se présente de racheter du matériel pour réaliser des expertises arboricoles. Il se lance et crée Pakaï il y a deux ans. « J’apprends tous les jours, les arbres, c’est du vivant. Il faut se tenir à la page. Il faut aussi faire preuve d’une grande humilité et ne pas tirer de conclusions hâtives. Deux arbres côte à côte semblent identiques, mais ils ne sont peut-être pas dans le même état de santé. » Image de l’intérieur du tronc Dans son attirail d’expert, Quentin Spriet possède également deux autres systèmes pour sonder les fûts des grands arbres : un résistographe et un tomographe. « Le résistographe permet de mesurer la résistance du tronc : en perçant, on mesure la force de la pression. » Le tomographe déploie des ondes sonores qui permettent d’obtenir une image de l’intérieur du fût. Ces deux appareils concourent à déduire la présence de cavités, de champignons, de moisissures qui fragiliseraient la plante. Une des réussites de Quentin, c’est le banian du rond-point de Belle Vie, au 6e Kilomètre. Grâce à l’expertise, il a pu être sauvé. Les essences les plus ciblées par les termites restent le pin colonnaire, les flamboyants, les manguiers… « mais tous les arbres peuvent être attaqués », souligne Quentin Spriet. Donc avant de contacter un élagueur, la société Pakaï peut peut-être réaliser un diagnostic sur vos arbres et ainsi sauver quelques belles espèces. OUTDOOR Zoom sur 72

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