Femmes : Novembre 2017

Sources : Le Temps, Le Figaro L'HOMME DU MOIS benjamin clementine English man in Paris « Quand je vivais dans la rue, j’avais si peur parfois que j’ai appris à écouter mon instinct le plus animal. J’avais le sentiment d’être une bête sauvage. De sentir les intentions de celui qui venait à moi. » La rue fait partie de sa légende, presque de sa cartographie intérieure. Il n’a pas 20 ans quand il quitte les quartiers métissés de Londres pour Paris, place de Clichy. « À 19 ans, j’ai quitté des études de droit qui ne me rendaient pas heureux pour venir à Paris. C’était presque comme un pari de m’installer à l’étranger. Paris n’est qu’à deux heures de Londres mais si différente culturellement. » La capitale française lui fera connaître la galère, les nuits froides et les canapés au détour des rencontres. Il se mettra alors à chanter dans le métro pour survivre. Et croisera la route, au bout de quatre ans, de professionnels de la musique qui vont croire en lui. en décalage À 28 ans seulement, Benjamin Clementine dégage une assurance qui contredit son jeune âge. « C’est parce que j’ai appris à être indépendant très tôt. Je n’ai jamais fait partie de ceux qui passent leur vie à faire la fête et à coucher avec tout le monde. » Dépouillée, austère, la formule Clementine est aux antipodes de la mode. Plus proche de Nina Simone que de Pharrell Williams, le musicien assume son côté vieux jeu et décalé. « Je ne sais pas grand-chose, avoue-t-il. Le seul domaine que je connais, c’est la poésie, plus que la musique. » À l’école, Benjamin Clementine, dernier d’une fratrie de quatre, préférait en effet fréquenter la bibliothèque plutôt que le pub où se rassemblaient ses copains de classe. « J’ai toujours été très seul, reconnaît-il, sans emphase, même s’il avoue avoir besoin de réconfort et d’assurance. Plus j’exprime ce que je ressens, plus je suscite la curiosité. J’espère que cela me permettra de durer. » Puissance poétique Dès la publication de son premier morceau, Cornerstone, en 2013, Benjamin Clementine se fait un nom dans le paysage musical. Le jeune homme enchaîne ensuite avec un second EP, Glorious You, qui grimpe jusqu’à la troisième place du classement iTunes suite à une magnifique performance au Grand Journal de Canal+. L’enchantement se poursuit sur At Least for Now, le premier album du chanteur qui paraît en janvier 2015. Le mois suivant, il remporte le prix de la Révélation Scène aux Victoires de la Musique, ainsi que le prestigieux Mercury Prize britannique. Avec Tell A Fly (sorti en septembre 2017), Benjamin Clementine propose un album plus politique que le précédent, mais toujours teinté d’une singulière puissance poétique. Il est y question d’errance et de réfugiés. Ceux de Calais, par exemple, dont il évoque la tragédie dans son titre God Save the Jungle. Un opus en prise directe avec le monde, mais un monde qu’il n’est plus sûr de bien comprendre. Nous non plus d’ailleurs... n benjamin clementine est devenu une des sensations du moment avec des mélodies anachroniques, proches de celles de nina Simone et d’erik Satie. Sur son grand piano, d’une voix au lyrisme rugueux, le Londonien raconte une vie d’errance. 26 © micky clement

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