Femmes : Juillet 2017

dOSSiEr Témoignage de victime 18 « J ’ ai rencontré Luc* à 17 ans. Il en avait 22. Je suis tombée enceinte rapidement. (...) Je vivais encore chez mes parents, souvent absents pour le travail. Les premiers coups sont arrivés pendant la grossesse. (...) Luc me giflait, me poussait, me jetait par terre, me frappait au sol. Il y avait les mots aussi, si durs... « T’es moche, t’es grosse, t’es nulle, tu sers à rien. » (...) Il s’est toujours arrangé pour qu’il n’y ait pas de témoin. Mon père ne l’aimait pas trop. Malheureusement, quand on est ado, on fait toujours le contraire de ce que disent nos parents. De toute façon, j’avais trop honte. Je n’en aurais jamais parlé ! (...) Je faisais semblant que tout allait bien, j’ai tout mené de front et j’ai eu mon bac... mais j’ai mis au monde un grand prématuré. Motricité, langage, propreté, Caroline* a eu beaucoup de retard. Aujourd’hui, elle a presque tout récupéré, mais ça a été très dur après sa naissance. La nuit, il fallait donner le biberon toutes les deux heures, et continuer à aller à l’école pendant la journée. Car j’ai poursuivi en BTS après le bac. (...) Luc travaillait dans une commune éloignée et ne rentrait que les week-ends. Dès que je le contredisais, c’était des coups. (...) Je n’étais pas considérée comme un être humain. (...) Quand il était saoul, il m’a violée aussi. (…) 20 de tension Pour ma deuxième grossesse, j’ai fait un énorme déni. Je m’en suis rendu compte au bout de cinq mois ! Fatiguée, stressée, je suis montée à 20 de tension. Là, je lui ai mis un ultimatum, je lui ai dit de ne plus se mettre la pression avec nous, de prendre du recul... Et miracle, il a pris le large. Il m’a laissée tranquille terminer ma grossesse et Mathias* est né à terme, en parfaite santé. (...) En tombant sur des photos, j’ai découvert que Luc avait une double vie, avec une autre compagne, et même des enfants ! Là, j’ai eu le déclic. Je suis allée au Relais de la province Sud. Au procès, il a tout accepté : la garde, la pension, etc. (...) J’ai fait une grave dépression après ça. J’ai perdu vingt kilos. (...) Très vite, j’ai repris le dessus (...). Je me suis lancée dans une formation d’infirmière ! « Je te tuerai » (...) Même séparés, j’étais bien obligée de croiser Luc le week-end, quand il venait chercher les enfants. Il m’a menacée plusieurs fois : « Ne refais pas ta vie, t’as pas intérêt, je te tuerai ». Le jour où il a compris que j’avais rencontré quelqu’un, il a explosé... Il m’a tirée par les cheveux dans les escaliers. J’ai voulu porter plainte, mais soit on m’a plutôt conseillé de poser une main courante, soit il n’y a pas eu de suite... Depuis deux ans, je suis avec quelqu’un de bien, un étudiant comme moi, ça se passe vraiment bien... Et ça, Luc ne le supporte pas. Pour la première fois, en février, il m’a rouée de coups devant les enfants. Il m’a giflée si fort que je suis tombée. Il a cassé le réfrigérateur, la chaise, m’a encore traînée par les cheveux... Alors que j’étais au sol, il m’a mis des coups de pied avec ses chaussures de sécurité... Il a visé les fesses et le visage. (...) J’ai essayé de protéger mon visage coûte que coûte pour pouvoir continuer à aller en cours. J’ai pensé à mes enfants. Je les entendais hurler, pleurer, ils étaient terrorisés, c’était horrible. (...) Commissariat central Au commissariat central, une fois de plus, j’ai été confrontée à un policier bizarre, avec des questions orientées, comme si je l’avais cherché. On m’a même dit « c’est dommage, ça a l’air d’être un gentil. ». Insupportable... Mais j’ai pu porter plainte, voir un médecin spécialisé et Luc a été placé en garde à vue. (...) L’audience vient d’avoir lieu : il a pris six mois de sursis, 24 mois d’interdiction de m’approcher et 100 000 francs. (...) Depuis cette scène, Caroline a de nouveau des problèmes d’énurésie. Elle ne veut plus aller chez son père. Ça me brise le cœur, mais je suis obligée de la forcer à y aller, sinon Luc portera plainte contre moi. (...) J’ai peur pour eux. La dernière fois qu’il les a ramenés, Mathias était en détresse respiratoire avec 40 de fièvre ! (...) La prochaine étape, c’est le juge des affaires familiales. Je voudrais lui retirer le droit d’hébergement, et qu’il les voie dans un espace sécurisé. (...) Partir Ça fait quatre ans qu’on est séparés mais j’ai toujours peur, je vis cachée, je me fais insulter par certains membres de sa famille. Heureusement, mes enfants et mes parents sont soudés autour de moi. (...) J’ai hâte de terminer ma dernière année d’études. Je voudrais partir travailler et vivre en Métropole avec mon nouveau compagnon, arracher mes enfants à cet enfer. Mais je ne peux pas... Luc a toujours l’autorité parentale. » n * Prénoms d’emprunt. Certains détails ont été modifiés. Marie le Phénix À 25 ans, Marie* est un oiseau de feu, un Phénix : réduit en cendres, il renaît sans cesse, déployant des ailes protectrices au-dessus de ses enfants pour tenter de redécoller. Toujours en grand danger, Marie a accepté de nous raconter son histoire. © Aude-Émilie Dorion

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