Femmes : Mars 2016

DOSSIER 20 QUAND SE DÉSHABILLER DEVIENT UN ACTE FÉMINISTE INSPIRÉ DU CABARET DU XIXe SIÈCLE, LE NEW BURLESQUE REPREND L’IMAGE DE LA PIN-UP AVEC HUMOUR, À MILLE LIEUES DU STRIP-TEASE TRADITIONNEL. C’EST AUSSI UN MOUVEMENT DE LIBÉRATION DE LA FEMME QUI SE VEUT FÉMININE, BIEN DANS SON CORPS ET ASSUMANT SES PETITES IMPERFECTIONS. LUCIE, NOTRE MODÈLE DU MOIS, FAIT PARTIE DE LA TROUPE BURLESQUE DE NOUMÉA. MADEMOIZELLE FANFAN À LA SCÈNE, ELLE NOUS EXPLIQUE EN QUOI L’EFFEUILLAGE BURLESQUE EST POUR ELLE CLAIREMENT FÉMINISTE. Il existe plusieurs types de féminismes. Parmi eux, une branche décriée par le Mouvement de libération des femmes, qui consiste à mettre en scène des spectacles drôles et délirants, dans lesquels des femmes choisissent de se dévêtir à la manière de pin-up, tout cela face à un public constitué majoritairement de femmes. Il s’agit du mouvement du new burlesque, auquel Lucie a totalement adhéré depuis les débuts de la troupe en Nouvelle- Calédonie, en 2012 : « L’effeuillage burlesque et moi, c’était une alliance improbable ! À l’époque, je n’étais vraiment pas féminine. Je faisais du rugby, je ne mettais jamais de talons... Bref, je n’étais pas prédisposée à devenir Mademoizelle Fanfan ! » Elle rencontre alors Carine Richez-Raguin (qui a créé et dirige la troupe burlesque de Nouméa) pour une tout autre raison. Les deux femmes sympathisent. « À c moment, la troupe n’existait pas encore, se souvient Lucie. Par contre, Carine proposait des stages de burl sque. Je m’y suis inscrite, plus par curiosité que conviction. » La jeune femme adhère totalement. « J’ai tout de suite adoré l’ambiance qui se dégageait des cours. On n’est pas dans la comparaison ni dans la compétition. Dans le burlesque, le regard posé sur le corps de l’autre est bienveillant. Il faut dire que deux filles sur trois sont là pour régler un problème avec leur image. C’est avant tout une démarche personnelle, un rapport de confiance à établir entre soi-même et le miroir. » Car jouer à la pin-up est certes un loisir, mais c’est aussi une manière de s’approprier ses atouts et de prendre confiance en soi. « Selon moi, l’effeuillage burlesque est clairement un acte féministe dans le sens où on choisit de se mettre à nu et qu’on le fait avant tout pour s i et non pour un homme. C’est une manière d’accepter son physique quel qu’il soit, en apprenant à se mettre en valeur. Dans le burlesque, toutes les femmes sont belles parce qu’elles s’assument. » Autre aspect de cette tendance : la création et la construction d’un personnage de scène : « Mademoizelle Fanfan est un prolongement de moi-même, une exagération de mes traits de caractère. J’aime à penser que c’est la meilleure version de moi-même ! C’est la femme-enfant très girly et rigolote, à contre-emploi du glamour traditionnel. Et c’est ce qui est drôle. La scène est un espace de liberté incroyable, où l’imagination est notre seule limite ! » Contrairement au strip- tease classique, l’effeuillage burlesque se joue des artifices de la femme objet. Et en les maîtrisant, les femmes s’en libèrent. « C’est une façon d’avoir le pouvoir, on décide de quand et comment on va se déshabiller, et de ce qu’on va enlever et garder. On maîtrise notre image et notre corps, en adéquation avec celle qu’on est à l’intérieur. Bref, on s’assume et on se trouve belle, sans avoir besoin du regard d’un homme. » n © Aude-Emilie Dorion

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