Femmes : Septembre 2015

TRANCHE DE VIE MON HOMME CE La première fois que je suis allée chez Christophe, j’ai dû me pincer pour être sûre que je ne rêvais pas. Sa maison ressemblait à un appartement- témoin ! Tout y était impeccablement rangé et il n’y avait ni grain de poussière sur les meubles ni vaisselle dans l’évier. Cela dit, ce tableau était le reflet exact de Christophe. À l’époque, nous tra- vaillions dans la même entreprise. Je me disais que je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’aussi orga- nisé et méticuleux que lui. Évidemment, son apparence était tout aussi soignée. Son bureau aussi était à son mage : immaculé. À cette période, on travaillait comme des bêtes et le soir, on se retrouvait souvent seuls au bureau. Alors on sor- tait régulièrement prendre un verre après le boulot. Il me parlait des voyages dont il rêvait. Je lui racontais ceux que j’avais faits. Chaque fois, j’étais partie seule, sans plan précis en tête. Je suis comme ça, toujours dans le moment présent. Tout le contraire de Christophe. Et pourtant, j’aimais profondément passer du temps avec lui. À ses côtés, j’avais l’impression que rien de menaçant ne pouvait m’arriver. Alors, le jour où mon appartement a été cam- briolé, il a été la première personne à laquelle j’ai pensé. Je l’ai appelé en panique et il est arrivé un quart d’heure plus tard, me proposant de rester chez lui aussi longtemps que je voulais. C’était si agréable de sentir que je pouvais me reposer sur quelqu’un. Le lendemain, j’ai nettoyé sa salle de bains, histoire de faire ma part pendant que j’habitais chez lui. J’avais envie de le remercier d’avoir été là au bon moment. De lui plaire, aussi, sans doute. Je pense que mon récurage a eu son petit effet car le soir même, on s’est embrassés. Et je n’ai pas tardé à emménager chez lui pour de bon. Ça fait maintenant plusieurs années qu’on est ensemble. Au fil du temps, j’ai bien compris que Christophe subit une pul- sion, que sa frénésie de l’ordre est plus forte que lui. Il y a des gens qui mangent quand ils sont stressés, d’autres qui font du sport. Mon homme, lui, a besoin de ranger. Ça l’aide à décompresser et à y voir plus clair. Même nos amis le savent. Ils ne se formalisent plus quand ils voient Christophe passer l’aspirateur alors qu’ils sont encore à table. Dans notre vie quotidienne à la maison, on fait des compromis. Quand il rentre du bureau, je veille à ce que sa vue ne soit pas polluée par mon bazar. Bon, je l’avoue, il y a eu quelques sérieux dérapages. Par exemple, la fois où il a jeté un sac entier de cadeaux destinés à ma famille, qui habite en Métropole, « parce que ça traînait ». Ou encore celle où il a donné une bonne partie de mes livres pour une kermesse parce que « ça prenait trop de place » et que je « les avais déjà lus ». Cela dit, la compulsion de Christophe offre quand même un immense avantage : ma maison est toujours impeccable. Quand on rentre de vacances, même au milieu de la nuit, les enfants et moi filons nous coucher. Pas Christophe. Il vide les valises, remplit la machine à laver… Non, franchement, je ne vois pas de quoi je pourrais me plaindre ! n UN HOMME QUI NE LAISSE JAMAIS, AU GRAND JAMAIS, TRAÎNER SES CHAUSSETTES DANS LE SALON ET QUI RAMASSE LES VÔTRES EN PLUS, ÇA EXISTE ? OUI, ET C’EST MOI QUI AI TROUVÉ CE DRÔLE DE SPÉCIMEN ! 29 MANIAQUE

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