Femmes : Juillet 2015

DOSSIER TÉMOIGNAGE Père adoptif d’un petit Mélanésien, Éric nous parle de son expérience de l’adoption. « Pour nous, la première étape a été d’accepter la probabilité de ne pas avoir d’enfant. Surmonter cette nouvelle est très difficile. La première réaction est de se révolter, mais après la colère, on se demande ce qu’on peut faire pour dépasser ça. » Comme de nombreux couples, c’est la difficulté de concevoir un enfant qui les oriente, sa femme et lui, vers l’adoption. La première étape administrative se fait auprès de la DPASS* afin de constituer un dossier. Certains critères peuvent être décisifs : « Pour augmenter nos chances, on s’est mariés. C’est bo pour le dossier, ça montre la solidité du couple, notre motivation pour un projet commun. » Après la demande officielle à la DPASS, s’ensuit toute une série d’entretiens avec un psychologue et une assistante sociale : « Ils définissent ton cadre de vie, se rendent à domicile pour voir les conditions matérielles d’accueil de l’enfant. Ils font une sorte d’enquête personnelle sur ton passé, sur ton lien avec ta famille et cherchent à savoir comment tu souhaites accueillir l’enfant et dans quelle démarche tu t’inscris. » Une fiche de critère est ensuite remplie pour définir les demandes spécifiques du couple telles que le choix d’une fratrie, d’une ethnie, d’un âge. « L’âge de l’enfant dépend de l’âge du couple, lus il est vieux, plus l’enfant sera âgé. Nous avions au moment du dossier moins de 40 ans, nous pouvions donc prétendre à adopter un enfant de 2 mois. » Le dossier passe ensuite en commission plénière. Cette commission, en cas d’accord, délivre l’agrément qui établit la capacité du couple à adopter. Puis viennent les temps incertains et indéfinis de l’attente. Deux ans et demi après la commission, un lundi matin, la femme d’Éric reçoit un coup de téléphone : « Est-ce que vous êtes disponible cet après-midi, on a des photos à vous montrer. » « On était à moitié en larmes, le cœur battant. Nous sommes allés ensemble voir les photos de cet enfant qui allait devenir notre fils. » L’enfant avait deux mois, car c’est le délai légal accordé à la mère biologique pour prendre une décision définitive. Une famille d’accueil fait alors le lien entre le moment de la naissance et le placement dans une famille adoptive. Le mercredi, le couple et la psychologue se rendent à La Foa au sein d’une antenne de la DPASS pour rencontrer l’enfant. La mère d’accueil les attend, l’enfant dans les bras, « C’est un moment dont on se souvient toute sa vie ! Ma femme pleurait, moi, j’ai eu l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre tellement j’étais ému. On est restés là, pendant deux heures avec l’enfant, pour se rencontrer, se connaître, se toucher. » Deux jours plus tard, c’est dans les locaux de la DPASS de Nouméa qu’ils se retrouvent : « On était dans une salle pleine de jouets, on nous a remis l’enfant en présence de la psychologue afin qu’elle voit si tout se passait bien. Ce temps de quelques heures passées avec l’enfant est nécessaire pour qu’il s’habitue à toi. Puis à un moment, tu pars avec lui. La seule chose qu’on te demande alors, c’est d’apporter un siège landau pour le transporter en voiture…Tout est allé si vite ! » L’enfant reste pupille de l’État jusqu’à ce qu’une audience au tribunal officialise l’adoption et l’état civil de l’enfant. Le nom de famille et les prénoms sont fixés ce jour-là. « Au bout de quelques mois, tu reçois un document du tribunal qui confirme ta demande. C’est réellement à ce moment-là que l’enfant devient ton enfant à part entière. » Aujourd’hui, le petit pierre a deux ans et demi. « Son histoire, on lui en parlera quand il commencera à se poser des questions sur sa différence… S’il veut faire des démarches pour retrouver sa famille biologique, on fera tout pour l’accompagner, le soutenir. C’est comme pour sa culture d’origine, s’il veut apprendre, comprendre, nous avons un ami Kanak qui s’est proposé de l’initier. Mais ce sera toujours à sa demande. » Forts et heureux de cette belle expérience, Éric et sa femme ont débuté une deuxième demande d’adoption. « On va repasser par les différentes étapes, les entretiens, remplir à nouveau la paperasse… Mais tous ces détails, on les oublie vite, on se concentre surtout sur la joie de recevoir un enfant. » n *DPASS : Direction provinciale des affaires sanitaires et sociales. Il est l’organisme référent pour adopter un enfant du pays. TÉMOIGNAGE TÉMOIGNAGE TÉMOIGNAGE 16

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