Femmes : Juin 2015

DOSSIER INTERVIEW Comment la lutte contre la violence faite aux femmes a-telle évolué aux cours des dernières années ? Nicole Robineau : Les délégations aux droits des femmes ont été inscrites dans l’Accord de Nouméa, ce qui représentait un acte politique fort. À l’époque, il existait des associations de femmes, mais aucun dispositif n’était spécifiquement consacré à la thématique de la violence. Pour évaluer le phénomène au niveau local, nous avons d’abord produit un Livre Blanc qui compilait de nombreux témoignages. Puis en 2003, nous avons obtenu l’extension de l’enquête nationale lancée par l’INSERM à la Calédonie. Les chiffres ont montré que la violence aux femmes touchait particulièrement le pays, et face à cette réalité statistique catastrophique, nous avons dégagé des budgets pour mener de nombreuses actions, comme la formation de personnes référentes, des interventions dans les écoles, des campagnes de sensibilisation ou la création de structures, telles que « Le Relais de la province Sud » ou l’association Femmes et violences conjugales. Pensez-vous que les services mis en place sont efficaces ? Depuis quelques mois, je sillonne la province avec un minibus pour aller dans tous les villages et tribus, afin de mesurer l’impact de ces actions auprès des personnes les plus isolées, et souvent les plus fragiles. Force est déjà de constater que si le Grand Nouméa bénéficie pleinement de ce qui a été mis en place, la Brousse est un peu laissée pour compte. Beaucoup de choses sont encore trop centralisées sur la capitale. Que pensez-vous de l’évolution du droit des femmes au niveau politique ? À mon sens, il faut conserver et encourager le caractère transversal des droits des femmes, car ils touchent tous les secteurs : politique, économique, social, culturel, etc. La condition féminine ne doit être enfermée dans aucun sujet. À la place de la création, dans les diverses institutions, de commissions investies uniquement par des femmes, il aurait peut-être fallu rendre obligatoire une politique en faveur des femmes et créer par exemple un comité interministériel. En Calédonie, on se trouve dans une situation particulière, avec l’existence d’un double droit, commun et coutumier. Comment gérez-vous cela ? La coexistence de deux droits sur le territoire, notamment au moment où s’écrit la « Charte kanak », pose question et nécessite une réflexion chez les femmes kanak, qui m’ont demandé d’être l’interface entre elles et le Sénat coutumier. Un espace de travail est prévu sur la gestion des violences, l’adoption, le mariage, le divorce, l’héritage familial, etc. « IL FAUT ASSOCIER LES HOMMES » Quelle doit être, d’après vous, la priorité en matière de prévention ? Si on n’associe pas l’autre moitié de la population, c’est-à-dire les hommes, on ne peut pas aborder le sujet de la violence aux femmes de manière efficace. L’objectif de cette mandature, en accord avec le président de la province Sud et surtout avec Martine Lagneau, vice-présidente en charge du secteur, est de partager le sujet de la condition féminine avec les hommes, de travailler dans la plus large mixité possible. Nous avons le devoir d’imprimer un souffle nouveau, pour donner aux Calédoniennes toute la place qu’elles méritent dans un pays en pleine construction. Entretien avec Nicole Robineau, présidente de la Commission de la condition féminine à la province Sud DES COURS DE KRAV MAGA POUR SE DÉFENDRE La krav maga est une méthode d’autodéfense, utilisée aujourd’hui par l’armée israélienne. L’association Self Defense Mont-Dore, qui dispense des cours, compte 40 % de femmes. « Les motivations pour suivre nos cours sont diverses », explique Stéphane Ottoz, président de l’association et instructeur. « Chez les femmes, il s’agit aussi de se réassurer, de regagner l’estime de soi et de se mettre en capacité de répondre. » Pour Amandine, une participante, l’important était d’acquérir de l’assurance. « Je me suis dit que cela me permettrait d’être plus confiante dans ma façon d’être, dans la vie de tous les jours et dans la vie professionnelle », confie la jeune femme. Au Mont-Dore, les cours sont mixtes. « Nous pensons que c’est mieux de travailler avec des hommes », insiste Stéphane Ottoz. « Il s’agit d’une mise en situation réelle. Celle-ci est nécessaire, même si cela peut être gênant pour certaines femmes, notamment celles qui ont déjà été victimes d’agressions, et pour lesquelles se retrouver en contact tactile avec un homme est une épreuve. » Pour l’instructeur, prendre des cours de self-défense permet aussi aux femmes de sortir d’une position de victime, qui les rend vulnérables face à un agresseur potentiel. « Il ne s’agit pas de développer une attitude agressive, mais si on peut éviter une attitude de victime dès le départ, cela peut aider », explique-t-il. « Savoir se défendre, ça peut toujours servir, on ne sait jamais », conclut Amandine. « Et franchement, qui n’a jamais rêvé de savoir se défendre comme Lara Croft ? » 20

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