Femmes : Juin 2015

DOSSIER auteurs de violences sont des personnes en souffrance », poursuit Izane Vallet. « Pour être aidés, ils ont besoin d’être écoutés. Mais quand il n’y a pas suffisamment d’écoute, les victimes s’enferment souvent dans leur silence et les auteurs dans leur rôle de bourreaux. » La violence à l’égard des femmes se retrouve dans toutes les franges de la population, et toutes les classes sociales. Certaines femmes vivent des situations de violence au quotidien, dans le plus grand secret. Car si les violences physiques sont les plus visibles, d’autres violences font aussi des dégâts. « Les violences psychologiques sont très insidieuses », souligne Izane Vallet. « Elles entraînent une perte de confiance, de normes, de repères. » Harcèlement moral, insultes, menaces font partie de ce type de violences. En Calédonie, la législation sur le sujet est récente et les cas de violences psychologiques souvent encore peu reconnus. Au-delà de la cellule familiale, les femmes sont aussi victimes de violences dans d’autres sphères. C’est le cas, par exemple, avec le harcèlement au travail. D’après un sondage commandé en 2002 par le Conseil économique et social et réalisé par le cabinet Harris, 56 % des personnes ayant subi un harcèlement moral au travail seraient des femmes. Et travailler dans la fonction publique ne met pas à l’abri. Toujours d’après le même sondage, 60 % des cas de harcèlement relèveraient du secteur public. HARCÈLEMENT SEXUEL OU MORAL En janvier 2014, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a adopté la loi du Pays sur le harcèlement sexuel et moral dans le secteur public, deux ans après avoir adopté une loi pour le privé. Les peines infligées aux auteurs de harcèlement vont de un à trois ans d’emprisonnement et les amendes peuvent atteindre 5,3 millions de francs. Pour autant, les cas arrivant jusqu’au tribunal sont encore assez rares. Pour attirer l’attention sur le fléau de la violence faite aux femmes, les campagnes de sensibilisation, menées par les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile, se multiplient depuis quelques années. L’an passé, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, plus de 33 hommes ont été invités par la province Sud à participer à l’initiative « Ruban Blanc ». « Ce type de campagne est nécessaire, car on ne peut aborder le sujet sans les hommes », explique Nicole Robineau (voir interview). Le résultat : des affiches et des spots vidéos, dans lesquels on voit des hommes, parmi lesquels le footballeur Antoine Kombouaré, l’artiste Paul Wamo ou le directeur de l’ADCK Emmanuel Tjibaou, affirmant s’engager « à ne pas rester silencieux et passif face à la violence faite aux femmes ». Violences physiques ou psychologiques, harcèlement sexuel, moral… La violence à l’égard des femmes revêt de multiples aspects, et demeure un enjeu primordial pour la société calédonienne. De nombreuses victimes restent encore dans l’ombre, mais une prise de conscience commence à s’opérer, encouragée par les initiatives des pouvoirs publics et l’engagement de certaines associations. Si le sujet ne peut plus aujourd’hui être considéré comme un véritable tabou social, beaucoup de travail reste encore à faire pour que briser le silence devienne une réalité et surtout, un réflexe. * Nom d'emprunt PETIT TOUR DU MONDE DES CAMPAGNES DE PRÉVENTION Dans de nombreux pays des campagnes, parfois très violentes, d’autres fois plus suggestives, invitent à briser le tabou de la violence faite aux femmes. « CELA ARRIVE QUAND ON NE REGARDE PAS » Il s’agit d’un poster interactif d’Amnesty International, placé dans des arrêts de bus. Grâce à une caméra traquant le mouvement des yeux, l’affichage change. Lorsqu’on regarde l’affiche bien en face, celle-ci montre un couple souriant, qui a l’air heureux. Mais quand on détourne le regard, une autre image apparaît, sur laquelle le mari frappe sa femme. « IL M’A DONNÉ ÇA SANS AUCUNE RAISON » Cette campagne a été réalisée en 2008 aux Émirats Arabes Unis, par l’association City Of Hope. L’image est une radio de bras, de jambe ou de pied, montrant des bijoux, mais aussi des fractures. À côté du bijou, on peut lire : « Il m’a offert ça pour mon anniversaire ». Un peu plus loin, à côté de la fracture, on lit : « Il m’a donné ça sans aucune raison ». LES MOTS QUI BLESSENT La campagne de l’association libanaise Kafa montre des photos de femmes portant des cicatrices. Celles-ci ont la forme des ondes des mots violents et des insultes prononcés à leur encontre. L’idée est de montrer que les violences verbales et psychologiques peuvent être aussi destructrices que les violences physiques. « JUSQU’À CE QUE LA MORT NOUS SÉPARE » En 2006, l’association de quartier berlinoise MaDonna Mädchenkult a lancé une campagne, sous forme de cartes postales, contre le mariage forcé en Allemagne. Sur cette image, on peut lire sur le mur derrière la jeune mariée pendue : « Jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Legende 18

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