Femmes ! Mai 2015

24 DOSSIER INTERVIEW Pourquoi avoir consacré un livre entier à l’infidélité ? Willy Pasini : Parce qu’on trompe beaucoup plus qu’avant ! L’adultère s’est beaucoup développé, je le constate tous les jours avec mes patients. Et pour guérir de l’infidélité, il faut la comprendre. J’ai donc voulu savoir quel était le véritable moteur qui pousse l’être humain à trahir son conjoint. On trompe davantage, mais on en parle plus aussi... Effectivement. Autrefois, seuls les hommes en parlaient entre eux pour se vanter. Aujourd’hui, les femmes osent dire qu’elles sont insatisfaites dans leur couple et qu’elles ont un amant. Partout dans les médias, en couverture des magazines, on nous raconte les infidélités des people. Les personnalités assument de plus en plus leurs aventures extraconjugales et deviennent des modèles. Hommes et femmes sont-ils égaux face à l’infidélité ? Les comportements tendent à se rapprocher. Les femmes qui ont, au moins une fois dans leur vie, cédé à l’infidélité, sont beaucoup plus nombreuses qu’avant. Selon toutes les études consacrées à la question, elles ont dépassé les 50 % (c’est 70 à 80 % chez les hommes !). En revanche, les femmes préfèrent les liaisons clandestines stables, tandis que les hommes recherchent avant tout du sexe. Évidemment, il existe des femmes mangeuses d’hommes, mais elles ne sont que 10 %. À quel âge est-on le plus infidèle ? Entre 30 et 40 ans. À 20 ans, au début d’une relation, on a encore des illusions, on veut croire à la fidélité. Mais c’est vers 30-40 ans que le couple évolue et accorde davantage d’importance à la réalisation individuelle. Puis en vieillissant, les conjoints se retrouvent et sont de nouveau très unis. Comment expliquer cette hausse générale de l’infidélité ? D’abord par des raisons sociales. On vit deux fois plus longtemps qu’il y a cent ans. Donc forcément, rester toute sa vie avec une seule et même personne, c’est beaucoup plus difficile. Ensuite par la « ON TROMPE BEAUCOUP PLUS QU’AVANT » libération sexuelle, qui a contribué à augmenter les tentations, plus que le bien-être au sein du couple. Enfin, nous vivons dans un monde de “sympathiques égoïstes”. On pense d’abord à soi et à assouvir ses propres désirs avant de se préoccuper de son couple. Mais qu’est-ce qui fait qu’un jour, après des années de fidélité, on finit par craquer ? La perte du sentiment amoureux. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’aime plus son conjoint, attention ! On l’estime, on le respecte, on éprouve pour lui de profonds sentiments de tendresse. Mais au bout de quelque temps de vie commune, la passion s’éteint forcément. Alors, on recherche l’excitation des débuts en dehors du couple. C’est une réaction saine ? Saine, non, mais normale. Nous sommes beaucoup trop exigeants quant à notre vie personnelle. N’ayant plus d’objectifs sociaux, politiques, religieux, on mise complètement sur la sphère privée pour trouver le bonheur. Et c’est parce qu’on ne le trouve pas assez dans le couple qu’on va “voir ailleurs”. L’infidélité est-elle forcément mauvaise pour le couple ? Non. Dans certaines relations, l’amant ou la maîtresse est même nécessaire, car il (ou elle) rééquilibre le couple. Par exemple, si une femme aime son mari, mais s’ennuie au lit avec lui, l’amant fera alors office de soupape de sécurité pour le couple, et permettra aux conjoints de rester ensemble pour les sentiments, les enfants. Vous pensez vraiment que ce genre de schéma est souhaitable ? Soyons réalistes. La plupart des infidélités sont sans importance. Autrefois, la trahison prenait une autre dimension à cause des enfants illégitimes. Mais aujourd’hui, le sexe est séparé de la procréation, les conséquences sont donc moindres. Il faut dédramatiser l’adultère. Le véritable danger pour le couple, ce n’est pas la tromperie, c’est l’ennui ! Propos recueillis par Aufeminin.com Willy Pasini, psychotérapeute et sexologue, auteur de Les amours infidèles, éditions Odile Jacob.

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