Femmes : Février 2015

16 DOSSIER INTERVIEW Est-ce difficile d’être une femme aujourd’hui ? Sylviane Giampino : Oui, aujourd’hui, la vie des femmes est plus compliquée que celle des hommes contrairement à ce que certains provocateurs voudraient nous faire croire. Il existe une inégalité sur le plan professionnel et les statistiques montrent que les femmes prennent davantage en charge les enfants et la maison, même lorsqu’elles travaillent à plein temps. Des hommes clament tout haut le malaise d’être un homme face à des femmes qui ne veulent plus tout assumer et bousculent les rôles traditionnels : harmonie de la vie de famille, engagement professionnel, relation de couple nécessitent tant d’énergie. Quand c’est trop, leur sommeil et leur santé en pâtissent. Aujourd’hui, on se réjouit en France du taux de natalité mais les mères sont fatiguées. Entre avoir un enfant de plus ou ne plus travailler, certaines refusent de donner la priorité à une maternité supplémentaire si les conditions de la conciliation ne sont pas bonnes. En France, l’autonomie personnelle et le choix de maternité sont conjugués. Pour quelles raisons certaines femmes viennent vous voir ? S.G. Parce qu’elles craquent, elles sont épuisées, dépressives, hyperactives. Le malaise des femmes est officiellement déclaré. Elles demandent de l’aide. On est sorti de l’idéologie de la wonderwoman. Elles veulent que les hommes et l’organisation sociale prennent leur part de responsabilité. Mais ce n’est pas parce qu’elles parlent qu’elles sont entendues. ÉPUISÉES, DÉPRESSIVES, LES FEMMES QUI VEULENT TOUT ASSUMER ONT DU MAL À ASSURER. SYLVIANE GIAMPINO NOUS RAPPELLE QU’IL FAUT SORTIR DU CLICHÉ « WONDERWOMAN » ET SAVOIR DEMANDER DE L’AIDE. « ON EST SORTI DE L’IDÉOLOGIE DE LA WONDERWOMAN » Ne pas réussir à tout gérer peut devenir une réelle souffrance ? S.G. Bien sûr. Elles sont en souffrance car écartelées entre des impératifs aussi prioritaires les uns que les autres. L’équilibre de l’enfant est aussi important que le besoin de travailler et la bonne solidité du couple. Elles ne peuvent pas établir de priorité car tout est prioritaire. C’est cette tension qu’elles ne supportent plus. Personne n’y gagne : une mère angoissée ne va pas s’épanouir professionnellement, une professionnelle surmenée ne va pas répondre aux attentes de son enfant et désinvestir son homme. Quels conseils pourriez-vous donner aux mères ? S.G. Ne pas tout prendre sur elles. Aujourd’hui, il est important que les femmes cessent de considérer que lorsque ça ne marche pas, c’est de leur faute. Il faut qu’elles mettent en demeure toutes les personnes qui les entourent : l’instituteur doit faire son travail de telle sorte qu’on n’ait pas à tout reprendre à la maison, de même, le père se doit tout autant qu’elles de s’occuper des tâches domestiques et familiales, et les grands-parents doivent jouer leur rôle. Et surtout ne pas considérer qu’elles demandent de l’aide pour elles-mêmes, lâcher ce positionnement illusoire qui les place seules au centre de tout. Finalement, ces mères qui travaillent trop sont-elles coupables ? S.G. La première phrase de mon livre : « Une mère qui travaille est-elle coupable ? Oui, pour deux raisons ; d’abord parce qu’elle est mère, ensuite parce qu’elle est femme ». La deuxième phrase : « Une mère qui ne travaille pas est-elle coupable ? Oui, pour les mêmes raisons ». Ce qui engendre une culpabilité surajoutée sur les mères, c’est que l’on considère en France à tort que l’harmonie familiale est du ressort de la femme alors que c’est un problème de couple et de société. n Propos recueillis pour Marie-Claire Les mères sont fatiguées Sylviane Giampino, psychothérapeute, auteur de « Ces femmes qui travaillent sont-elles coupables ? ». Editions Albin Michel.

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