Femmes | Mars 2022

17 élève attitude », s’être marié très tôt, être tout de suite entré dans le moule professionnel et social, un adulte se trouvera fort dépourvu quand la bise du changement sera venue. Une séparation, un licenciement, la crise de milieu de vie vont l’abattre d’un coup. « Chaque étape de l’existence nécessite une élaboration psychique, souligne Marie Rose Moro. Cela implique de s’adapter, de digérer ce que l’on vit, de comprendre ce qui vous arrive, de trouver le sens que cela a pour vous. Quand on ne le fait pas, l’étape suivante peut être plus douloureuse. » Reste une question : si la vraie crise d’ado, la violente, la brutale, « reste une exception », comme le dit Philippe Jeammet, pourquoi notre société s’y intéresse-t-elle autant ? Pourquoi tant de littérature sur le sujet ? Pourquoi les parents sont-ils si craintifs de voir leurs enfants aborder les terres mystérieuses de la puberté ? Moins d’autorité, moins de rejet ? « L’adolescence est le miroir de notre société, assure Daniel Marcelli. Nous sommes obsédés par la jeunesse. Au travail, en amour, il faut être capable de se réinventer sans cesse, de s’adapter, de se transformer tout au long de la vie. D’affirmer ses valeurs, de faire entendre sa voix. Autant de qualités associées à cette période. » Pourtant, si l’adolescence est un modèle de notre temps, cela ne rime pas nécessairement avec crises à tout bout de champ. Philippe Jeammet constate qu’aujourd’hui celles des jeunes sont moins fréquentes et moins violentes qu’autrefois. « Il n’y a plus de contraintes éducatives fortes, d’autorité verticale qui provoque des réactions de rejet. Ce que les parents prennent pour des crises n’en sont pas vraiment. Certes, les ados peuvent parfois paraître bruyants et impolis, mais ce sont là des aspects relativement secondaires, liés à la culture jeune. Ils affichent des signes de reconnaissance, d’appartenance que n’ont pas connus leurs parents et qui les heurtent. Ceux-ci ont alors l’impression que leurs ados sont ingérables, mais, dans la majorité des cas, ce n’est pas vrai. » Dans une étude Ipsos de 2011, 69 % des 16-24 ans déclarent d’ailleurs que les moments qu’ils préfèrent sont ceux passés en famille… Et si l’ado « bien dans sa vie, bien dans son cocon » était la valeur montante ? Témoignages « Il n’existait pas de révolte en moi » Michel, 49 ans, secrétaire de rédaction, marié, père de deux filles de 23 et 20 ans « Je viens d’un milieu ouvrier. J’étais le cadet d’une famille de huit enfants. Malgré la promiscuité, je garde un bon souvenir de mon enfance. J’avais beaucoup d’affection pour mes parents, des sortes de poètes, qui me faisaient rire. Il n’y avait aucun conflit entre nous. À la fin de la troisième, mes résultats se sont dégradés. On a voulu m’envoyer en BEP, mais j’ai refusé, sans doute par paresse et par mauvais esprit. J’ai convaincu mes parents qu’il valait mieux que j’arrête l’école et que je travaille. J’avais 15 ans. J’ai enchaîné chômage et petits boulots : livreur, ouvrier spécialisé, distributeur de prospectus… Entre 15 et 20 ans, j’ai continué d’habiter chez eux et ça se passait bien. À l’époque, j’ai découvert le rock and roll, j’ai joué dans des groupes, je sortais le soir avec des amis, mais je n’ai jamais eu l’impression de faire une crise d’adolescence. Il n’existait pas, en moi, de révolte contre ma famille, la société ou les institutions. Je me laissais porter, amusé et intéressé par ce que je découvrais, la musique, les livres, les gens. C’est plutôt à 24 ans, quand je me suis mis en couple, que je me suis rebellé. Je ne Dossier

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