Femmes | Mars 2022

13 Dossier « Comment ? Tu n’as pas fait de crise d’ado ? » Cette interrogation, Adeline, 34 ans, l’entend souvent quand elle raconte son enfance. Non, elle n’est pas entrée en conflit avec ses parents, ne s’est pas révoltée contre l’école ou contre la société, n’a eu aucun comportement excessif (alcool, cannabis, fugue). « Parfois, j’ai l’impression de ne pas être tout à fait normale, avoue-t-elle. Je me sens en décalage avec ceux qui racontent leurs années de collège ou de lycée. J’éprouve même une certaine culpabilité à avoir été aussi sage. Pourtant, au fond de moi, j’assume mon caractère réservé. C’est plutôt le regard des autres qui me pose problème. » « Dans notre société, on s’attend forcément à ce qu’un adolescent fasse une crise. C’est presque devenu la norme », déplore Daniel Marcelli, pédopsychiatre. Et il existe une croyance insidieuse mais tenace selon laquelle on ne saurait être un adulte tout à fait épanoui, achevé, accompli sans être passé par une période de remise en question radicale à la puberté. « Nous vivons dans une époque qui idéalise la transgression, de façon très romantique », commente Marie Rose Moro, psychiatre. Ainsi, le best-seller de ces dernières années a pour titre Indignez-vous ! (et pas Obéissez !), les figures les plus valorisées par les médias sont celles d’artistes et de people en rébellion, le monde de l’entreprise célèbre les patrons visionnaires et fortes têtes, tels Steve Jobs, Elon Musk ou Xavier Niel, les réseaux sociaux et la télé-réalité Ce n’est pas obligatoire La croyance est vivace : devenir adulte passerait par une rébellion radicale à la puberté. Les psys et nos trois témoins sont formels : la crise d’adolescence, dans sa forme la plus tapageuse, n’est pas une étape obligée. ai trop seum

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