Femmes Décembre 2021

Couple 20 Lui : « Mais elle était stricte ! À cette époque-là, ce n’était pas comme aujourd’hui : il a fallu que je patiente jusqu’à notre mariage. J’étais amoureux d’Yvonne et j’ai voulu la tirer du monde dans lequel elle vivait et où elle était malheureuse. J’ai voulu lui offrir une existence plus bourgeoise, plus heureuse. La rétablir dans sa vraie vie. » Elle : « Oui, il est apparu tout à fait comme le chevalier qui vient sauver la jeune fille ! Avec lui, j’ai trouvé la paix et la sécurité qui m’avaient manqué. Nous ne nous sommes jamais disputés : de toute façon, je ne supportais pas les conflits. Une seule chose aurait pu en créer : quand, après avoir élevé mes enfants, j’ai eu très envie de travailler. Lui préférait que je ne travaille pas, pensant que cela était plus agréable pour moi. Mais il a compris mon désir. Alors il a cherché pour moi. C’était difficile, je n’avais aucun diplôme, et puis c’est moi qui aurais dû faire des recherches. Du coup, à la place, je me suis mise à lire beaucoup, ce qui a tout de même été une ouverture. » Lui : « Plus tard, nous avons perdu une petitefille, puis notre gendre et notre fille : dans les gros malheurs, notre entente nous a bien servi pour tenir le coup. Mais nous n’avions pas besoin de malheurs pour être soudés : l’entente était là, dès le départ, et la confiance aussi. » Elle : « Tous les deux, on a eu une chance incroyable de se rencontrer. Sans lui, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de moi. » Suzanne, 79 ans, et Jacques, 80 ans Ils ont un fils, un petit-fils et sont mariés depuis cinquante-cinq ans. Lui : « Nous nous sommes rencontrés lors d’un repas entre amis, il y a eu un premier courant de sympathie. Elle était institutrice, moi éducateur. Je suis parti faire mon service militaire et nous ne nous sommes pas revus pendant un an, mais nous pensions l’un à l’autre. À mon retour, nous nous sommes retrouvés. Elle était très jolie, très gentille et très intelligente. C’est cela qui m’a plu. J’avais eu une enfance difficile, relégué en pension, avec une mère tyrannique. » Elle : « Mes parents étaient enseignants et auraient voulu que j’épouse un professeur. Cela n’est donc pas allé sans mal. Mais Jacques les a rencontrés et convaincus. J’ai été séduite par sa vivacité d’esprit, sa gaieté, son enthousiasme. Je n’avais pas connu cela dans ma famille, plutôt sombre et pessimiste. » Lui : « La vie matérielle n’a pas été facile. J’ai été longtemps à la recherche d’un emploi stable et Suzanne changeait souvent de poste. Très vite est arrivé un enfant, ce qui nous a beaucoup unis. Bien sûr, il y a eu des moments où nous étions en désaccord, mais nous avons toujours fait passer la pérennité de notre couple avant tout. Il faut du courage pour vivre à deux. Nous avons toujours fait l’effort d’aller l’un vers l’autre et d’abandonner une part de notre indépendance. On ne l’a jamais regretté. » Elle : « Notre vie de couple a été une vie de travail. Nous travaillions même le soir à la maison, et nous nous sommes beaucoup dépensés à l’extérieur en animant chorales, groupes de théâtre… Notre joie, c’était de partager tout cela, et les satisfactions que notre fils nous a données. » Lui : « Nous n’avons pas eu le temps de connaître la lassitude. Et puis, il y a chez Suzanne une honnêteté et une loyauté extraordinaires dont on ne peut pas se lasser. Elle a fait de moi quelqu’un de mieux que je n’étais. Elle m’a toujours tiré vers le haut. » Elle : « On me trouvera démodée, mais j’ai été tout entière dévouée à mon mari. C’est que j’ai été gâtée par la vie, et par lui. »

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