Femmes Décembre 2021

Dossier 14 le psychanalyste. Dans une fratrie, chacun prend en charge une partie de la souffrance du père ou de la mère et essaie de la résoudre. Ce qui est dur, c’est que le cadeau que fait l’enfant-thérapeute en tentant de réparer ses parents est en général mal reçu. » Et attire sur lui la réprobation du clan. Le mieux, encourage le psychanalyste, est d’« arrêter d’être le thérapeute de ses parents, d’arrêter aussi d’attendre d’eux ce qu’ils ne peuvent pas donner – plus d’attention, d’approbation… Et de demander de l’amour à quelqu’un d’autre. Son conjoint, par exemple. » Notre manuel de survie « Comment survivre à sa famille ? La blague est sur toutes les lèvres à l’approche des fêtes », compatit Juliette Allais. Pour Mony Elkaïm, « la question se pose à différents moments de l’existence : l’adolescence, le choix d’une carrière, la construction d’un couple. L’enjeu est de pouvoir être soi-même, faire ses propres choix et les assumer, ne pas se perdre pour faire plaisir à ses parents ou pour les embêter. » Cela suppose d’avoir conscience des forces telluriques à l’œuvre au pied du sapin, d’interroger ce que révèle le choix des places, des cadeaux, des conversations. Qu’est-ce qui se dit ? Qu’est-ce qui m’est demandé et pourquoi ? « En thérapie systémique, détaille Mony Elkaïm, on explore le symptôme dans sa signification intrapsychique, mais aussi et surtout dans sa fonction par rapport au contexte : à quoi sert au groupe de me mettre toujours à la même place – de rebelle, de raté, de gendre idéal… À quoi est-ce que ça lui sert que j’échoue, que je me fâche, que je reste seul… ? » Il s’agit aussi de comprendre pourquoi nous avons accepté si longtemps d’occuper ces places : « Parce que tout petits déjà, nous pressentions qu’en nous en éloignant, l’un de nos parents risquait de s’effondrer », avance Bruno Clavier. Les thérapies peuvent nous aider à rompre avec ces mandats aliénants : la psychanalyse transgénérationnelle, en remontant les branches de l’arbre familial à la recherche des « inachevés » qu’évoquait Juliette Allais ; les constellations familiales, « en mettant en scène les relations entre les membres du groupe et ce qu’elles révèlent de l’inconscient familial, précise Samaï Fossat. Et en permettant d’expérimenter, à travers des déplacements dans l’espace, d’autres manières d’entrer en relation, de dénouer les conflits et de coopérer autour d’enjeux communs. » En attendant, le soir du réveillon, « évitez les conflits ! encourage Mony Elkaïm. Cela ne sert à rien. D’abord, parce que ceux qui nous aiment ne comprennent pas et le vivent comme de l’ingratitude. Ensuite, parce que l’engrenage est vain : quand le ton monte, c’est toujours que l’autre m’invite à choisir, parmi toutes les réactions possibles, celle qui va renforcer une croyance négative : il m’agresse, je l’agresse en retour, et cela le conforte dans l’idée que je suis invivable. » Ce qui est important, estime le thérapeute, n’est pas d’établir qui a raison ou qui a tort – car chacun a ses raisons –, mais de parvenir à être en paix en étant différent. Et en gardant la liberté de ses réactions : « Je sais que vous me dites telle chose par affection, mais permettez que je pense autrement, que je fasse d’autres choix. » Noël est l’occasion, pour les familles, de célébrer le fait d’être ensemble et d’être vivants, « c’est une chance, même s’il manque quelqu’un à table, même si le rôti est brûlé », sourit Juliette Allais. Le mieux, suggère-t-elle, est de s’efforcer de « se parler vrai, ne pas attendre trop des autres, ne pas se juger… et ne pas boire trop pour ne pas envenimer la fête » !

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