Femmes Mai 2021

difficultés. Au cœur de ce panel, les quadras, filles de soixante-huitardes et mères de grandes adolescentes, « une génération sandwich, prise entre différents modèles de féminité et de maternité, en conflit avec leurs mères, vécues comme trop distantes ou trop intrusives, et avec leurs filles, en pleine crise d’opposition », décrit la psychanalyste. Leurs mères ont fait partie de cette génération qui, pour la première fois, pouvait accéder à une identité propre, au- delà de leur statut marital et de la maternité. Avant cela, celle de leurs grand-mères n’existait que dans une sphère à la fois : le mariage (elles étaient épouses et mères), la sexualité (elles étaient maîtresses) ou le travail (elles faisaient carrière, mais demeuraient vieilles filles). Grâce au féminisme, elles ont gagné, après 1968, la possibilité de s’accomplir dans tous ces domaines. « Toutes ne l’ont pas fait, poursuit Anasthasia Blanché, mais elles ont élevé leurs filles avec l’injonction de pourvoir à leur autonomie, de ne dépendre de personne. » Aujourd’hui, celles-ci mettent la barre très haut, s’imposent d’être performantes dans tous les registres, ce qui complique leurs relations avec leurs mères (qu’elles n’osent pas dépasser) comme avec leurs filles (auprès desquelles, prises par le travail, elles se reprochent de ne pas être assez présentes). Leur apparente solidarité (beaucoup de femmes qui élèvent seules leurs enfants sont proches de leur mère, notamment si elle-même est divorcée) est ainsi traversée de rancœurs sourdes, d’autant plus difficiles à vivre que, dans un contexte socio-économique fragile, « cette relation est vécue comme un refuge, affirme Sonia Prades. On voit ainsi de plus en plus se constituer un “trio infernal” : mère, fille et petite-fille repliées sur leur complicité dans un monde sans homme, où il devient compliqué, pour les plus jeunes, de construire leur vie amoureuse sans avoir le sentiment de trahir la lignée maternelle ». Une relation passionnelle Pour la psychanalyse, le spectre de la fusion est inhérent à la relation mère-fille. « Lorsque l’on est une femme, donner naissance à une fille est une véritable reproduction », commente Anasthasia Blanché. Le fait d’être du même sexe les enferme toutes deux dans une relation passionnelle car fondamentalement ambivalente, oscillant sans cesse entre l’amour le plus tendre et la haine la plus dévastatrice. Lorsque l’on est une femme, donner naissance à une fille est une véritable reproduction Dossier Psycho 13

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