Femmes Novembre 2020

comme moins que rien. Pourquoi restes-tu avec moi si tu aimes quelqu’un d’autre ? » Lorsque la crise éclate, il devient évident que celui qui en est à l’origine ne peut plus se défiler. Il lui faut prendre ses responsabilités. Pour ne pas se sentir écrasé par la culpabilité, il faut avoir en tête que désirer une personne tierce n’est pas en soi « tromper » le partenaire, le léser, être malhonnête avec lui. La véritable tromperie – la vraie faute éthique – commence quand on choisit d’éluder ses questions angoissées ou de lui mentir dans un contexte où il serait plus conséquent de parler. Que dire et comment ? Que dire, et comment ? On évitera les détails inutiles : « Je lui ai fait ceci, il (elle) m’a fait cela, j’ai ressenti l’extase… » Le plus souvent, même si le partenaire s’a«rme prêt à tout entendre, il n’a nul besoin de connaître la vérité sans fard : il en soušrirait et ne pourrait que s’interroger sur son propre pouvoir érotique, se comparer douloureu- sement à l’autre. Sauf pacte spécifique établi entre les partenaires, l’expérience montre que l’exigence de tout savoir est souvent dictée par des pulsions masochistes autopunitives : « Mon partenaire regarde ailleurs, car j’ai failli à le satisfaire, donc je suis nul(le), je vais me flageller. » Un objet interchangeable Dans tous les cas, il s’agit de faire preuve de respect et de tact, de bannir les révélations trop intimes. Il faut ex- pliquer pourquoi la liaison est, ou a été, nécessaire à un moment de l’histoire du couple. Ceˆe aˆitude « adulte » suppose d’être clair avec ses désirs et d’avoir su établir une relation émotionnelle riche avec le partenaire. À ces conditions, l’aveu peut même relancer un désir assoupi. Pour cela, les confidences doivent être adaptées de ma- nière à faire écho aux fantasmes sexuels et aux aˆentes amoureuses du conjoint. Ces aménagements pourront, par exemple, permeˆre à telle femme de vivre par pro- curation ses pulsions homosexuelles enfouies, grâce à la relation de son conjoint avec une autre ; ou à tel homme d’imaginer que son épouse infidèle est « sa chose », qu’il prête généreusement à d’autres. Côté femmes, on constate que beaucoup supportent relativement bien l’infidélité du partenaire tant qu’elles restent persuadées d’être « la préférée », celle qui occupe la place centrale, l’autre n’étant qu’un objet interchangeable. En fait, avant de poser de façon péremptoire : « Non, il ne faut pas avouer» ou « Oui, il le faut », il est important de se souvenir que chaque couple est unique, puisqu’il unit deux êtres particuliers avec leurs fantasmes, leur rapport à l’amour et à la rivalité sexuelle. Aussi est-il impossible de fixer des règles de comportement universelles. Il appartient à chacun de décider de sa conduite en fonction de ce qu’il est et de la complicité qu’il a établie avec son alter ego. Isabelle Taubes Oedipe : dišérence des sexes et infidélité Les hommes seraient naturellement plus polygames que les femmes. Pour Didier Dumas, psychanalyste et au- teur de La Sexualité masculine (Hacheˆe Liˆératures), ceˆe dišérence s’expliquerait par le scénario œdipien. • Pour l’homme , désirer satisfaire sexuellement plusieurs femmes est la survivance du fantasme qu’il avait, en- fant, d’un pénis paternel « fort et invulnérable ». Parce qu’il investit son narcissisme dans la seule activité de son sexe, multiplier les partenaires le valorise et le rassure. • La petite fille, elle, fantasmait un bébé de son père. Adulte, elle a tendance à considérer inconsciemment tout parte- naire comme un géniteur possible. D’où son investissement ašectif dans les relations adultères, et une plus grande di«culté à gérer la culpabilité. 14 Dossier

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