Femmes : Novembre 2016

34 Avouons-le, on a toujours un peu tendance à se comparer aux « voisins ». Nos meilleurs amis se vantent de faire encore l’amour trois fois par semaine après dix ans de vie de couple et nous voilà totalement déprimés, en plein doute, nous qui nous faisons des câlins à peine une fois par semaine. « Suis-je normale ? » « Mon mari a-t-il encore envie de moi ? » « Peut-être a-t-il une maîtresse ? » Stop ! En matière de sexualité, chaque couple a son propre rythme. « La sexualité, ce n’est pas du copier-coller, explique Alain Héril, sexothérapeute. Ce n’est ni faire comme le voisin, ni faire comme la dernière fois. La sexualité est d’abord un dialogue : elle est mouvante, se nourrit de surprise et d’inattendu. Elle est génitale, hormonale, mais elle est avant tout émotionnelle : elle s’enrichit de la rencontre avec l’autre. » Mais il arrive que les deux partenaires ne vivent pas ce rythme de la même façon : « Mon mari me met la " pression " sans cesse, confie Caroline, mariée depuis huit ans. Ses amis lui racontent qu’ils ont des relations sexuelles trois fois par semaine en moyenne, il m’accuse donc d’avoir une libido au ralenti, de ne plus m’intéresser qu’aux enfants… Moi, je me sens épanouie, même si on ne fait l’amour qu’une fois par semaine. Mais il arrive quand même à me donner mauvaise conscience… » Cette inquiétude de ne pas faire suffisamment l’amour se nourrit parfois de la crainte de ne pas être à la hauteur : « Certains hommes ont besoin de preuves pour se rassurer sur leur virilité, explique la sexologue Catherine Solano. Ils cherchent donc à se raccrocher à tout ce qui peut être “mesurable” : la taille de leur sexe, la fréquence de leurs rapports, leur durée… Mais certaines femmes sont parfois également en attente de preuves : faire l’amour leur permet de se sentir désirables et désirées. » Bien sûr, il faut entendre dans les demandes d’amour des histoires personnelles qui s’entremêlent. Liens douloureux dans l’enfance, complexes physiques, mauvaises expériences antérieures, narcissismes blessés… tous nourrissent une peur de l’abandon et du non-amour qui cherche à être contredite dans la relation sexuelle. Le sexe devient alors la vérification que l’autre vous aime. « Ce que j’entends dans mon cabinet, raconte Alain Héril, ce sont des femmes qui me disent : “Le seul moment où j’ai de la tendresse, c’est quand il a envie de sexe”. » Un état d'esprit différent Quand il n’y a pas de tendresse dans le couple, pas de toucher, pas de peau à peau régulier, l’acte sexuel devient le moyen d’en obtenir. « Quand le couple évolue dans un monde de tendresse naturelle, une faible fréquence des rapports sexuels est bien vécue », conclut le sexothérapeute. « Après toutes ces années, la fréquence de nos rapports n’est pas primordiale car elle est irrégulière, variant en fonction de notre état de fatigue et de stress, ou tout simplement de notre libido, raconte Paul, 55 ans et marié depuis 30 ans. Mais elle est importante. Faire l’amour nous semble nécessaire à l’équilibre du couple mais, surtout, renforce notre amour et nous prouve que nous nous plaisons encore et que nous avons encore envie de nous donner du plaisir. » Donc, on l’a compris, l’idéal est dans la qualité des rapports et pas obligatoirement dans leur fréquence. Sauf que… on n’est pas toujours raccord. Et dans la majorité des cas, ce sont les hommes qui sont les plus demandeurs. « Certains facteurs physiologiques peuvent expliquer en partie cette libido accrue : les hormones, le fait que les hommes atteignent l’orgasme à chaque rapport – ce qui est moins évident chez la femme, avouons-le. Mais pour la sexologue, cet écart de libido est surtout le résultat d’un état d’esprit différent : « Les hommes arrivent à faire la part des choses, même fatigués, ils ont envie de faire l’amour. Alors que le quotidien pèse plus sur les femmes ». Fatigue, réveils nocturnes, enfant malade, dossiers qui s’accumulent sur le bureau : une fois sous la couette, les femmes ont plus de mal à se déconnecter de tous les soucis du quotidien. Normal alors qu’elles n’aient pas la tête à « ça ». Il est aussi tout à fait naturel qu’au fil des années, la fréquence des rapports sexuels baisse. « La routine prend le dessus et l’on s’installe dans un rythme de croisière », analyse le spécialiste. Bref, il n’y a pas de norme dans ce domaine. Reste que se comparer aux autres est important pour nombre de personnes. Une étude réalisée en 2013 par l’Université du Colorado à Boulder arrivait à cette conclusion : « Ce qui rend les gens encore plus heureux, c’est de penser que leur fréquence de rapports est supérieure à celle des autres. En somme, se situer un peu au-dessus de la moyenne nationale nous apporterait une réelle satisfaction. » Esprit de compétition ? De là à comparer nos ébats à un marathon, il n’y a qu’un pas, que nous ne franchirons certainement pas ! n COUpLE Le fait même de se poser la question prouve qu’il y a peutêtre un problème. Car chaque couple a son propre rythme et peu importe le nombre de fois où on fait l’amour. Alors, on arrête de se laisser imposer des diktats sexuels et on s’épanouit sans mauvaise conscience. À quel rythme doit-on faire l’amour ?

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE1NDI=