Femmes : Octobre 2015

TRANCHE DE VIE J'ai toujours vu l’amour comme un jeu. Pourquoi s’abandonner à la banalité alors qu’avec un peu d’imagination, on peut s’épanouir en couple ? J’en étais là dans mes réflexions quand Grégoire est venu me rejoindre au resto, après le boulot. On finissait souvent la semaine comme ça. Nous n’étions pas un vieux couple, mais après quatre ans de vie à deux, nous avions nos habitudes. Petite parenthèse : j’ai mis un certain temps avant d’emménager avec Grégoire, ayant peur de perdre mon indépendance. Mais avec lui, c’était différent. Zéro jalousie, rien que de la complicité et du plaisir à être ensemble. Bref, ce soir-là, Greg avait la tête ailleurs et râlait pour un rien. Ça usinait à son bureau, alors j’ai mis sa mauvaise humeur sur le compte du stress. On a mangé rapidement, puis on est rentrés en silence. Ça ne nous était jamais arrivé. Les semaines ont passé. Nos fous rires se sont faits plus rares et nos baisers, plus furtifs. Cette distance soudaine m’inquiétait. D’autant plus que nous nous étions endormis sans même nous toucher plusieurs nuits d’affilée... Étions-nous en train de nous éloigner l’un de l’autre ? Je devais réagir ! Et si je m’inventais un amant imaginaire ? Ça réveillerait Greg, non ? Le matin, j’ai commencé à me faire très belle. Moi qui allais d’habitude travailler en jean et baskets, revêtais dorénavant mes vêtements les plus sexy. Grégoire l’a tout de suite remarqué. Je l’ai vu dans son regard, mais il ne m’a posé aucune question. J’avais un peu honte de mes agissements, mais puisque c’était pour la bonne cause... Les jours suivants, je me suis mise à oublier de rapporter du pain, à prendre un air rêveur. J’ai même chuchoté au téléphone, histoire d’éveiller les soupçons de mon tendre… qui ne vinrent pas ! J’ai donc joué le grand jeu, en me faisant livrer des fleurs à la maison et en prenant un air troublé en lisant la carte qui les accompagnait. Je sais, c’était puéril, mais j’étais prête à tout pour réveiller mon couple ! Encore une fois, le peu de réaction de Grégoire m’a désespérée. J’ai donc continué sur ma lancée. Un soir, je suis rentrée à la maison vers minuit, passablement pompette. Grégoire m’attendait devant la télé. Il m’a juste demandé si j’avais passé une bonne soirée. Je rentrais à pas d’heure et c’était tout l’effet que ça lui faisait ? Je me suis endormie le cœur lourd. Mon anniversaire arrivait dans quelques jours. J’ai donc répété le coup des fleurs, en laissant traîner la petite carte manuscrite signée « Martin ». Cette fois-ci, Greg a tiqué : « Je le connais ? Ça ne me dit rien… » Ce à quoi j’ai répondu : « Je ne t’en ai pas parlé ? C’est un nouveau collègue. » Il a à peine réagi. J’étais exaspérée ! Si bien que je lui ai annoncé que j’allais passer le week-end à Bourail avec une amie pour mon anniversaire. Ça l’a un peu surpris. Moi, ça m’a permis de réfléchir. J’en avais assez de cette comédie. Greg était toujours aussi distant et moi, je me sentais ridicule. En rentrant le dimanche soir, j’ai trouvé la maison vide. Étrange. Les heures ont passé. Pas de réponse à mes textos. Grégoire est rentré au petit matin. Le lendemain, j’ai décidé de tout lui avouer et de lui dire combien je tenais à lui. Il est resté étrangement silencieux à l’écoute de mes confessions. Il a pris une longue inspiration, avant de m’avouer qu’il avait une maîtresse. Et que, dans son cas, c’était vrai. Il l’avait rencontrée par hasard, ça avait été plus fort que lui. On s’est quittés peu de temps après. La rupture a été extrêmement difficile, mais m’a également fait mûrir. J’ai compris que l’amour pouvait être un jeu dangereux, surtout lorsqu’on est pris à son propre piège. n 31 MON AMANT IMAGINAIRE

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