«Comme Willy Wonka dans Charlie et la chocolaterie, qui n’arrive pas à prononcer le mot «parent», j’ai du mal à dire « règles », raconte Ariane, maman de trois filles. Je suis anxieuse à l’idée d’en parler à ma dernière de 12 ans, j’ai même songé à demander à sa sœur de le faire à ma place. » Alors que la parole sur les règles et la sexualité semble s’être libérée, pourquoi est-il parfois difficile d’aborder le sujet ? « Les règles peuvent être un tabou car elles ont un caractère sexué : elles symbolisent l’avènement de la femme, explique une gynécologue. Pour les générations précédentes, il était hors de question d’en parler, elles suscitaient un véritable sentiment de honte. » Cet héritage peut induire chez certaines mères actuelles des blocages dans la conversation avec leur propre enfant. Mais savoir accueillir cette puberté naissante et pouvoir en discuter avec bienveillance est important pour aider son adolescente à vivre cette étape plus sereinement. Le bon moment pour en parler Parce que de plus en plus d’adolescents vivent une puberté précoce dès 8-10 ans, parler des règles à l’adolescence ne suffit plus. Pour la gynécologue, il faut mentionner les règles dès la petite enfance (3-6 ans). « En les nommant tôt, elles s’inscrivent dans la mémoire des petites filles qui pourront préparer sereinement leur arrivée. Il est aussi plus facile d’informer l’enfant lorsqu’elle est petite que plus tard, lorsqu’elle est adolescente et supporte mal l’intrusion. » « J’ai abordé le sujet avec ma fille dès ses 6 ans, tout simplement en lui racontant ce qui m’arrivait tous les mois, raconte Blandine. Je lui ai expliqué que les règles n’étaient pas anormales et qu’elles feraient aussi partie de son quotidien plus tard. J’ai répondu à ses questions avec des mots adaptés et je suis rentrée dans les détails au fur et à mesure qu’elle a grandi. » Si les règles arrivent sans jamais avoir été évoquées, la jeune fille pourra ne pas correctement les comprendre et elles pourront être vécues comme une blessure accidentelle ou une anomalie grave. Expliquez-lui en amont ce qui va lui arriver physiquement mais aussi ce qu’implique cette nouvelle situation. « Le non-dit est dangereux car il mène à l’incompréhension et à la fantasmagorie, ajoute la gynécologue. Il est essentiel que l’enfant prenne possession de son corps pour pouvoir en comprendre le fonctionnement. » Trouver les bons mots Oui, les règles peuvent surprendre, voire dégoûter, la première fois, mais elles ont une fonction précise et il est important de rappeler que leur arrivée signifie qu’on est en âge d’avoir des enfants. La simplicité et la franchise sont vos meilleurs alliés pour aborder la question. Vous serez peut-être maladroite ou émue, mais l’important est de vous lancer et de faire preuve de sincérité. Les enfants sont tolérants, ne l’oubliez pas ! « Ce n’est pas sale, ce n’est pas un handicap, on peut continuer à faire plein de choses… Racontez les règles comme une possibilité et non comme un empêchement, suggère la professionnelle. Il est important d’en privilégier une lecture positive et de faire attention à la propre démonstration qu’on en fait (douleurs, fatigue, baisse de moral). » Profitez-en pour parler de vous, de votre propre expérience de la puberté pour faire passer le message avec sensibilité. Comment en avez-vous parlé avec votre mère ? Que saviez-vous des règles à ce moment-là ? Vous sentiez-vous prête ? Restez à l’écoute de la réaction de votre fille, si elle n’a visiblement pas envie de comprendre ou d’en parler, inutile d’insister, vous aurez d’autres occasions d’en discuter. Mathilde Pain Comment parler des règles SANTÉ 12 L’apparition des règles est une étape appréhendée par beaucoup d’adolescentes, mais aussi par leurs parents. Comment préparer, informer et rassurer, sans submerger l’enfant d’informations ?
RkJQdWJsaXNoZXIy MjE1NDI=