COULISSES 10 RED LIGHT Quartier rouge, zones grises Révélée par Black Book de Paul Verhoeven en 2006, célèbre pour avoir incarné la mystérieuse Melisandre dans Game of Thrones, Carice van Houten, à la fois actrice habitée par son rôle et cocréatrice de Red Light avec Halina Reijn, explique pourquoi la série a été construite autour de la prostitution. Qu’avez-vous cherché à exprimer à travers cette histoire et ce rôle de Sylvia, prostituée et maquerelle en même temps ? Carice van Houten : Halina Reijn, avec qui nous avons développé l’idée originale de la série, m’a convaincue que le quartier rouge, tel qu’il fonctionne à Anvers ou à Amsterdam, constituait un décor formidable pour explorer les dynamiques de pouvoir et de sexe, mais aussi de maternité, et peindre ainsi des personnages de femmes dans toute leur complexité. On ne compte plus les films ou les séries sur le trafic des êtres humains et les travailleuses du sexe, mais ils restent trop peu racontés d’un point de vue féminin. Notre volonté était vraiment de dépouiller le thème de tout romantisme déplacé. Ce monde n’est pas un film de Walt Disney. Votre position de créatrice a-t-elle influencé votre travail d’actrice ? J’ai toujours ressenti une responsabilité forte en tant qu’actrice, mais me retrouver également en charge de la création de la série a encore intensifié ce sentiment. J’ai adoré me sentir prise au sérieux autant comme interprète que comme coproductrice et coscénariste, d’être capable d’inventer une histoire et de créer des emplois pour la raconter. Comment avez-vous abordé la préparation de ce personnage ambivalent, à la fois vulnérable et d’une grande dureté apparente ? J’ai commencé par parler avec beaucoup de prostituées, car je me sentais tenue de leur rendre justice, à elles et à leur milieu, en faisant de Sylvia un personnage multidimensionnel plutôt que de la réduire à une victime. En tant qu’outsider, il était facile d’interpréter les choses à la lumière de mes préjugés. Toutes nos recherches m’ont permis de comprendre qu’elles étaient infiniment plus ambiguës que ce que j’avais imaginé. La série raconte-t-elle d’abord la difficulté d’être femme dans un monde d’hommes ? Nous vivons dans une société patriarcale qui modèle autant les femmes que les hommes. Nous sommes tous concernés. C’est pourquoi nous voulions mettre en scène des femmes capables de se libérer des cases dans lesquelles elles sont enfermées et des attentes que l’on projette sur elles. Rien n’est jamais noir et blanc ; et parfois, les frontières entre victimes et bourreaux deviennent floues. Nous avons cherché à explorer les zones grises de cet univers et de l’histoire qu’il nous a inspirée. Propos recueillis par Augustin Faure RED LIGHT, L’HISTOIRE Sylvia Steenhuyzen, 40 ans, se prostitue dans le quartier rouge d’Anvers pour son compagnon et proxénète Ingmar Karlson, qu’elle seconde sans états d’âme dans ses affaires licites et illicites. Sous couvert d’un florissant bar à hôtesses, le Tropicana, celui-ci dirige en réalité un vaste réseau de prostitution forcée. Un jour, l’une des jeunes Roumaines qu’il exploite est retrouvée morte dans un hôtel de passe. Chargée de l’enquête avec son coéquipier Sam, l’inspectrice de la brigade des agressions Evi Vercruyssen, par ailleurs mère de jumeaux et en pleine crise de couple, organise avec l’unité de lutte contre le trafic des êtres humains une descente au Tropicana. Vendredi 25 février, à partir de 20h55, sur Arte. Les épisodes 5,6, 7, 8, 9 et 10 sont diffusés les vendredis 4 et 11 mars. Carice Van Houten
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