COULISSES 7 MARIE TRINTIGNANT Dix-huit ans après sa mort, ce poignant portrait, tendrement orchestré par sa mère Nadine, dévoile la formidable comédienne et la femme éperdument attachante que fut Marie Trintignant. Actrice aux rêves brisés Indifférente à la guerre, Marie chante dans les rues bordées d’affiches pétainistes. Elle commence son office pour rendre service, et le bouche-à-oreille fait d’elle une femme d’affaires. Grâce à l’argent gagné par les avortements clandestins, elle s’affranchit de la servitude conjugale. Méprisant son mari, revenu diminué de la guerre, elle prend un amant. Mais elle est dénoncée, emprisonnée et condamnée à l’aune du nouvel ordre moral de la France pétainiste. Le piège se referme avec brutalité sur cette femme-enfant qui, servie par le jeu subtil de l’égérie chabrolienne Isabelle Huppert, oscille entre naïveté et révolte contre sa condition de femme, dans une France vaincue, sans le sou, qui se perd en lâchetés et petites combines. Gouailleuse et mélancolique, Marie Trintignant compose Lulu, une prostituée chic à qui Marie loue une chambre. Loyale mais sans illusion sur l’âpreté au gain de son amie, elle porte sur elle un regard tendre et ironique qui rejoint celui de Chabrol dans ce film qui piétine la frontière entre bien et mal, et qui, s’il ne prend pas parti sur l’avortement, défend le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes. Une affaire de femmes, jeudi 27 janvier, à 20h55, sur Arte. Sa fin tragique en août 2003, à 41 ans, sous les coups de son compagnon, a éclipsé son parcours de comédienne. Élevée par une mère cinéaste, Nadine, et un père acteur, Jean-Louis, avec qui elle nouera une tendre complicité artistique, Marie Trintignant rêve très tôt de devenir actrice, même si elle prétend, pince-sans-rire, dans une interview, avoir hésité entre “vétérinaire et courtisane”. Après avoir tourné enfant dans Défense de savoir, réalisé par sa mère, qui lui offrira plusieurs rôles marquants, elle fait des débuts fracassants dans Série noire d’Alain Corneau, son beau-père. Novice passionnée, elle se met à nu, au sens propre comme au figuré, dans un climat heureusement bienveillant. « Je me jetais dans tout, prête à mourir à chaque prise parce que je n’avais pas de métier, parce que j’avais Patrick [Dewaere] en face qui donnait tellement qu’on ne pouvait pas être neutre », raconte-t-elle. Alors âgée de 17 ans, elle se dit que ce métier qu’elle prend trop à cœur risque de la briser. Elle apprendra à mettre de la distance, notamment en travaillant pour l’ami Chabrol, dans une ambiance décontractée qui lui fait le plus grand bien. Lettre d’amour Dix-huit ans après sa mort, la réalisatrice Nadine Trintignant signe un portrait juste et bouleversant de sa fille, avec, pour commentaire, la lettre d’amour posthume qu’elle lui adresse. À la fin du film, elle évoque avec une touchante sobriété le drame qui brisa sa vie, en reliant le sort de sa fille à celui de toutes les femmes battues. Débordant d’émotion, à l’image du jeu incandescent de l’actrice, ce documentaire, affectueux tissage d’archives, d’extraits de films, de coulisses de tournages et de répétitions – dont une séquence douce et enjouée avec François Cluzet qui fut son compagnon et avec qui elle écrivit une pièce à la poésie fantasque –, révèle la femme attachante, bourrée de charme, d’intelligence et d’humour que fut Marie Trintignant. Marie Trintignant, tes rêves brisés, jeudi 27 janvier, à 22 h 45, sur Arte. UNE AFFAIRE DE FEMMES
RkJQdWJsaXNoZXIy MjE1NDI=