Coco TV 1318
COULISSES 8 MICHAEL CIMINO Le perfectionniste Dans un beau documentaire, Jean-Baptiste Thoret plonge dans la filmographie de Michael Cimino, cinéaste épique à la marge du Nouvel Hollywood, entre grands espaces américains, mélancolie et folle exigence. Entretien. Comment avez-vous rencontré Michael Cimino ? Jean-Baptiste Thoret : En 2009, les Cahiers du cinéma cherchaient à publier de longs portraits, à la manière de ceux du New Yorker . Je propose Michael Cimino, qui n’a pas tourné depuis quinze ans. Pour retrouver sa trace, j’entame des discussions avec sa muse et productrice Joann Carelli. Quelques mois plus tard, à l’issue d’un dîner à Los Angeles qui s’éternise, Cimino me dit : “ Si vous voulez comprendre mes films, il faut prendre la route. ” Il organise un road-trip entre la Californie et le Colorado : huit jours au cours desquels je l’enregistre sur dictaphone, en voiture ou dans les motels, la nuit – il est insomniaque. Je reviens avec près de quarante heures d’entretiens sur l’Amérique, ses films, les classiques. Ce contemporain du Nouvel Hollywood estimait que son cinéma conversait avec Ford, Vidor, Lean ou Visconti, qu’il adorait. Comment définiriez-vous son cinéma ? C’est un cinéma de l’entre-deux, l’Amérique et la vieille Europe, le passé et le présent... L’anachronisme lui donne sa dimension élégiaque et mélancolique. Dès son premier film Le canardeur en 1974, il va chercher Clint Eastwood, ignoré à l’époque, et lui fait dire cette phrase − “ Tu arrives dix ans trop tard ” − qui résonne comme un manifeste. D’un perfectionnisme fou, Cimino n’est pas un cinéaste de son temps. Gouffre financier et symbolique, le chef-d’œuvre La porte du paradis (1980), l’un des derniers films hollywoodiens d’une telle ampleur, clôt une époque et il en paie le prix. L’autre question qui traverse son œuvre, c’est le peuple américain, cet ensemble de communautés regroupées autour de la bannière étoilée : comment, après des crises successives − droits civiques, guerre du Vietnam... −, on refonde l’Amérique. Pourquoi a-t-il été écarté du système hollywoodien ? Il le dit lui-même : le système l’a autant écarté qu’il s’en est éloigné au nom de sa radicalité. Oublieux des questions matérielles, Cimino ne sait pas faire de concessions. Mais en sept films − sans compter ceux qu’il avait en tête, d’un western en langue sioux à une adaptation de La condition humaine de Malraux −, il a marqué l’histoire du cinéma. Aujourd’hui, nombre de réalisateurs se réclament de lui, de ce souffle à joindre l’intime au collectif, le home movie à la fresque, la petite à la grande histoire. Mardi 1 er juin, à 22h45, sur Arte. LE CANARDEUR Longtemps après le braquage d’une banque réalisé à l’aide d’un canon antichar, spécialité qui vaut à John Doherty (Clint Eastwood) le surnom de “Canardeur”, le magot demeure introuvable. L’ancien truand, devenu pasteur, est poursuivi par ses anciens coéquipiers qui le soupçonnent de les avoir trahis. Dans sa fuite, il grimpe dans la voiture du jeune Lightfoot (Jeff Bridges), un marginal exubérant. Ce dernier rêve de faire un grand coup et demande à Doherty de l’initier aux braquages. Mais les temps ont changé... Film d’action, fresque sombre et poétique, Le canardeur est aussi une invitation au voyage à travers toute la filmographie à venir de Michael Cimino. Mardi 1 er juin, à 20h55, sur Arte.
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