L'Homme | Juin 2022

34 vainqueur de s’approprier l’énergie vitale de son adversaire. Symboliquement, donc, l’homme en perdant sa chevelure se retrouverait faible, fragile. « On pense ici à Samson qui, privé de ses tresses, se retrouve complètement désarçonné », rappelle la psychanalyste Marie-Louise Pierson. De quoi comprendre pourquoi la seule idée de devenir chauve peut se révéler source d’angoisse. Un symbole de vitalité Pour Marie-Louise Pierson, la symbolique de la per te des cheveux va même au-delà. « Prenez les Chinois : eux se laissaient pousser de longues nattes qui, dans leur mythologie, servaient aux dieux à les arracher aux enfers pour les emmener au ciel. Les cheveux renvoient donc aussi à l’éternité. Ne sont-ils pas, d’ailleurs, imputrescibles ? Ne continuent-ils pas à pousser après notre mort ? Voilà ce que sont vraiment nos cheveux : le symbole de ce qui pousse. Le symbole de la vie. » De la chute des cheveux à la per te de l’élan vital, il n’y aurait donc qu’un tout petit pas… d’autant plus facile à franchir que nous vivons une époque très narcissique. « Notre image sociale repose sur un certain nombre de signes de reconnaissance, poursuit la psychanalyste. Des signes qui nous classent dans différentes catégories que sont l’âge, l’appartenance sociale, etc. Or les plus importants d’entre eux, aujourd’hui, sont justement les signes de vitalité ! Ils comptent bien plus que l’âge à proprement parler. » Stress et chute des cheveux, le cercle vicieux Difficile, donc, de se sentir homme et sûr de soi quand on est privé de ce qui représente, plus ou moins consciemment, la force et la vitalité. Sur tout, quand, comme pour tout complexe, la calvitie finit par devenir envahissante : « Je ne vois plus que ça dès lors que je suis devant une glace », témoigne ainsi Olivier. Peuvent ainsi naître un sentiment de mal-être et un stress dont le risque principal est d’accélérer encore la chute. « J’ai commencé à perdre mes cheveux de manière violente, rapide, raconte un autre homme. Et avec le sentiment d’impuissance qui accompagnait ce phénomène, le stress s’autoalimentait. » Pour mettre un terme au cercle vicieux, cer tains sont alors tentés d’expérimenter toutes les méthodes disponibles, des plus sérieuses - pour freiner la chute des cheveux - aux plus racoleuses, qui promettent monts, merveilles et crinière abondante en moins de deux. En la matière, le choix est large mais les résultats rarement au rendez-vous, car seule une poignée de solutions a aujourd’hui fait ses preuves scientifiquement. De la perte des cheveux… à la renaissance « En réalité, seule une petite partie des hommes qui perdent leurs cheveux consultent, confie un dermatologue. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de souffrance, loin de là. Mais avec le temps, la plupart d’entre eux apprennent à vivre avec. » Fatalisme ? Renoncement ? Pour cer tains, ni l’un, ni l’autre, mais une capacité retrouvée à accueillir ce changement capillaire comme le signe d’une évolution plus large. Et positive. « Je peux vous assurer que faire le deuil de mes cheveux d’ado m’a fait le plus grand bien, nous assure un chauve assumé. J’accepte ma calvitie comme un héritage, une marque masculine, voire virile (…). Pourquoi ne pas considérer la calvitie comme l’occasion d’un changement de statut ? Nous sommes des hommes mûrs, c’est un âge qui a beaucoup de charme. Et ce charme ne repose aucunement sur notre densité capillaire. » BEAUTÉ HOMME

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