31 BEAUTÉ HOMME Ils ne supportent pas la graisse, ils la vivent comme une dégradation, la preuve du vieillissement corporel. » Selon la philosophe Michela Marzano, « dans notre société du spectacle, qui est aussi une société marchande, le physique est devenu une carte de visite. À leur tour, les hommes doivent posséder tous les “bons codes” pour séduire – minceur, fermeté, jeunesse –, dans le monde du travail comme dans les relations amoureuses. » Une masculinité en devenir Selon le sexothérapeute Alain Héril, depuis les années 1970, être un homme ne va plus de soi. « Le positionnement masculin est lié à l’évolution des femmes dans la société, explique-t-il. Les stéréotypes féminins ont été bousculés, bousculant à leur tour ceux des hommes. Dans cette recherche d’une nouvelle masculinité, certains jouent la carte de la “survirilité”, d’autres celle d’une certaine féminité, avec un souci de soi assumé, voire revendiqué. » Le sexothérapeute insiste également sur l’influence des codes gay, qui ont modifié la relation des hétérosexuels à leur image, mais aussi à la séduction, et leurs rappor ts entre eux, sur tout parmi les plus jeunes. Comment leurs messages sont-ils reçus par les femmes ? « Elles apprécient en surface seulement, estime Michela Marzano. En réalité, cela crée une forme de compétition, qui rend encore plus difficile la possibilité de tisser de vrais liens. Se prendre soi-même comme moyen et but de séduction, même si c’est pour se rassurer, exclut l’autre, on est dans un échange d’image à image. » Ingrid, 33 ans, regrette de ne pouvoir appor ter de conseils à son compagnon : « Il maîtrise tout, de la coupe de cheveux au jean qui l’amincit… Je n’ose pas le lui dire, mais je trouve mille fois plus séduisante la naïveté un peu maladroite de mon père, qui ne cesse de vanter “l’œil et le bon goût de ma mère”. » Selon Alain Héril, le bon côté de cette évolution est de permettre aux hommes et aux femmes d’explorer ensemble de nouveaux territoires dans la sexualité. En effet, l’attention por tée à soi et aux soins rend plus sensoriel, plus sensuel. Elle induit une « passivité positive » qui, en conviant symboliquement de l’homosexualité dans l’hétérosexualité, peut générer de nouveaux jeux de rôles. Davantage de complicité sensorielle et sensuelle entre hommes et femmes, davantage de douceur et de rondeur dans les relations entre hommes – sans la peur d’être étiqueté homo –, c’est sans doute cela l’avancée la plus impor tante côté masculin. Une masculinité riche de ses ambivalences, de ses singularités, et parfois même de ses contradictions. Quelques chiffres ➲ 70 % des hommes utilisent un soin après-rasage. ➲ 38 % prennent le temps d’appliquer quotidiennement une crème pour le visage. ➲ 46 % ont déjà essayé au moins un régime. ➲ 14,5 % se pèsent plus d’une fois par jour, contre 8,5 % des femmes. ➲ 10 % des interventions de chirurgie esthétique les concernent, contre 1 % il y a quinze ans : calvitie, paupières tombantes, poches sous les yeux, mais aussi empâtement des traits (nez, cou, visage), silhouette à partir de 50 ans, allongement du pénis.
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