L'Homme | Juin 2022

30 BEAUTÉ HOMME Les hommes se soucient désormais de leur image autant que de leur nouvelle paire de chaussettes. Les spor tifs et les hommes de pouvoir en sont la preuve éloquente. Les plus radicaux d’entre eux ont été appelés « métrosexuels », avec pour figure emblématique le footballeur anglais David Beckham – épilé, manucuré, dandy, puis « über sexuels », comme le rugbyman français Sébastien Chabal – pilosité assumée, apparence très virile… Des hommes aux styles différents, voire opposés, mais qui ont un point commun : le souci aigu de leur image et une relation nouvelle au soin de soi. Le phénomène ne concerne cependant pas uniquement les people, c’est là la vraie révolution. Des gestes de beauté assumés Le dimanche matin, Frédéric, 32 ans, cuisinier, prend un long bain aux huiles essentielles et se fait un masque. « Pourquoi la douceur et les bonnes odeurs seraient-elles réservées aux femmes ? se demande-t-il. On peut être homme, hétéro, pas obsédé par son image et apprécier de se faire du bien, non ? Je travaille toute la semaine dans une ambiance physiquement difficile. Le dimanche matin, je prends soin de moi pendant une petite heure. » Frédéric souligne quand même que son bain est « à la lavande, pas à la rose », et que son masque à l’argile « est vendu en pharmacie ». Une précision en forme de détail qui n’en est pas un. Selon la psychanalyste Isabel Korolitski, la différence des genres ne se gomme pas du jour au lendemain : « Comme les pères gardent leurs gestes d’hommes lorsqu’ils s’occupent de leur bébé, il y a une façon masculine de prendre soin de soi. » Les utilisateurs de cosmétiques sont sensibles aux textures – non grasses, qui ne brillent pas –, aux odeurs – neutres ou sentant le frais –, ainsi qu’au look des produits. Les marques utilisent d’ailleurs des codes couleurs précis (bleu, rouge, gris, noir, orange) suivant que l’homme ciblé est spor tif, élégant ou branché. Lorsque la marque Biotherm, pionnière de la cosmétique masculine, choisit comme ambassadeur le séduisant rugbyman Frédéric Michalak, les ventes s’envolent de 20 %. « Il me semble que toutes les femmes apprécient une peau nette, douce, qui sent bon », affirme Jean-François, 44 ans, ingénieur, divorcé et en phase de « séduction massive ». Il confie se faire régulièrement masser en institut, recourir aux soins d’un pédicure et manucure, et sur tout surveiller sa ligne comme le lait sur le feu, « car trois kilos en trop, c’est trois ans de plus ! » Égaux face au culte du moi Au célèbre triptyque des préoccupations masculines – calvitie, bedaine, taille du pénis – sont venus s’ajouter la peau du visage fraîche et lisse, les fesses fermes et le ventre plus plat que plat qui, hier encore, étaient majoritairement des obsessions féminines. « Moi en mieux » : la formule, qui a fleuri dans les magazines, résume parfaitement l’ambition personnelle la mieux par tagée par les deux sexes. Moi en mince, en ferme, en jeune. Au légitime souci de soi, à l’hédonisme bienfaisant, se superpose, sournoise, l’angoisse de vieillir et, avec elle, de l’exclusion sociale. Franck, 44 ans, contrôleur de gestion, qui a essayé plusieurs soins liftants, envisage de se faire enlever les poches sous les yeux. Elles lui donnent, dit-il, mauvaise mine, même quand il est en forme. Au fil de la discussion, il avoue se poser des questions sur la liposuccion. « Chez les hommes, la peur du vieillissement va de pair avec celle de perdre du pouvoir social et sexuel, constate un chirurgien plastique. Soins hydratants, lifting, régimes, exercice physique : les hommes prennent soin d’eux sans complexes. Se féminisent-ils ou sont-ils en train d’inventer une nouvelle masculinité ? Les nouvelles obsessions DES HOMMES Par Flavia Mazelin Salvi

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