L'homme - Juin 2021
11 PSYCHO HOMME laisser aller à avoir du plaisir sexuel »… Et voilà ! on en revient toujours à la même chose ! ( Das Ding, disait Freud, et ça sonnait bien). C’est quoi être un homme ? Je ne pouvais pas en rester là, au vir tuel du mail : dîner avec O. Pasta, vin rouge. « Qu’est-ce que j’attends d’un homme ? Qu’il m’aime ! C’est aussi simple que ça ! ». Bon sang, que n’y avais-je pas songé plus tôt. Mais encore ? « Je n’étais pas capable d’accepter le désir d’un homme qui me respecte . » C’est de moi qu’il s’agit, là… Je remplis son verre et lui demande une explication. « C’est une théorie personnelle et qui est valable pour certaines femmes. Quand on ne s’aime ni ne se respecte, on ne peut pas imaginer qu’un homme nous aime ou nous respecte. Donc, deux solutions. Soit on tombe amoureuse d’un connard qui ne nous respecte pas (cas extrême : les femmes battues) et ça prouve bien qu’on est nulle et qu’on ne peut pas être respectée. Soit, si un homme a l’air de nous aimer et nous respecter, on se dit qu’il doit être nul pour aimer quelqu’un qui est nul, donc on ne tombe pas amoureuse de lui… et on finit par le quitter. » Un peu déprimante, sa théorie. O. a 39 ans. « Toi, il serait temps que tu trouves un mec un peu moins con que la moyenne et qui te fasse un môme… ». Que pouvais- je dire d’autre ? « Ouais, ben je cherche ». Nous avons fini la bouteille et chacun est rentré de son côté. Être un homme, c’est être C’est quoi, être un homme ? Je ne vous ai pas tout dit. C’est être un fils, aussi. Et s’en détacher. Mon père a plus de quatre- vingts balais et n’époussète plus dans tous les coins de sa cervelle. Quand nous nous voyons, il me parle en boucle de ses flir ts de jeunesse, et me demande de « ne pas le dire à ta mère ». C’est tout ce qui lui reste. Et c’est déjà bien. « Être un homme c’est assurer », dit-on. Mais assurer quoi ? Sa propre érection, l’orgasme de sa par tenaire, le bien-être des enfants ? L’assistance aux parents vieillissants ? Et pourquoi pas, le bonheur de tous, l’épanouissement personnel, voire s’engager dans la vie sociale. Oui, pourquoi pas ? Ne serait-ce qu’un peu. Puisque l’orgasme de ma compagne, un geste tendre de mes fils, le soupir de mon père et le sourire de ma mère me rendent heureux. Un peu seulement. Être un homme, c’est faire ce que l’on peut. C’est quoi, être ? Un homme ? Les hommes n’arrêtent pas de se plaindre et j’en fais par tie : « à cause des femmes notre identité est chancelante, gémissons- nous, elles nous rendent chèvres à vouloir ceci et son contraire, la virilité et la sensibilité… » Comme si les deux étaient incompatibles ! Jamais une femme ne m’a reproché mes larmes, ni mes pannes. Mais mes absences, si. Ce n’est pas « être un homme » qui est difficile – c’est être, tout simplement. Être présent à la vie. « L’angoisse propre à chacun », disait Winter. Celle de renoncer, disait-il. Renoncer à n’être qu’un appendice, qu’un sexe, qu’un fils, qu’un père pour devenir soi-même. Un homme. Renoncer à n’être qu’un sexe, qu’un fils, qu’un père.
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